De son enfance, Antonin Bonnet retient surtout des agapes: gratins de cardons, gigots d’agneau, rôtis de bœuf, huîtres, artichauts vinaigrette, salade à la lyonnaise, vol-au-vent au ris de veau, gâteaux de foie à la sauce tomate… Et la tarte aux pommes à mourir que ma grand-mère finissait avec une confiture d’abricots, ou d’oranges amères.

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Né à Lyon, le petit Antonin a été biberonné à cette cuisine bourgeoise, mais toujours pleine de bon sens et d’amour. Il a 7 ans quand la famille -papa architecte et maman sociologue- s’installe à Marseille puis dans les Cévennes. La grande famille -il a quatre frères et une sœur-, passe les week-ends à reconstruire la maison de campagne et le jardin, avec tous ceux qui viennent aider. Et il n’est pas rare de retrouver plus de dix convives autour de la grande table familiale. Antonin ne quitte pas la cuisine, où il bidouille croissants, gâteaux et brioches. Petit, il est loin de penser à la cuisine comme métier: il veut être vétérinaire. Plus grand, passionné par le dessin et les arts plastiques, il veut étudier les Beaux-Arts, mais le niveau scolaire n’est pas au rendez-vous. Son grand-père lui conseille un métier concret. Il fera donc le Lycée Hôtelier de Bonneveine à Marseille où il ne remerciera jamais assez ses professeurs de l’avoir si bien encouragé.
Parmi ses premières places, il y aura celle de cuisinier particulier d’un Général de la Légion Étrangère, pendant son service militaire. Ensuite ce sera Baumanière, où il apprendra beaucoup. Il décroche ensuite un rendez-vous avec Marc Veyrat, qu’il ne réussira jamais à rencontrer. Mais, coup de chance, ce même jour il recevra un appel de Ginette Bras qui lui propose une place. Il passera 3 ans chez Bras, une expérience inoubliable, à faire, refaire, re-refaire. Michel Bras avait 30 ans d’avance. Il pense alors à ouvrir son propre restaurant, mais les banquiers ne partagent pas son rêve. Il part donc à Londres, où il travaille au Greenhouse, un des restaurants de Marco Pierre White, l’un des chefs-stars de l’époque, expérience tout à fait constructive où il s’essaie à tout, le pire comme le meilleur. C’est aussi dans la capitale anglaise qu’il rencontre son épouse, une Sud-Coréenne qui cuisine divinement. Le retour en France se fait sentir, où il se lance dans la belle aventure du Sergent Recruteur avant celle de La jeune Rue. Cette dernière histoire finira mal, mais il ne veut en retenir que le positif, une redynamisation de la restauration parisienne. Il sait alors qu’il doit se lancer. Quand on lui propose une petite adresse de la rue de l’Abbé-Grégoire, dans le 6e germanopratin, il croit à un gag: c’est à 50 mètres de chez lui. C’est beau, lumineux, propre, avec une chambre froide et une petite cuisine. Il se décide le jour même et monte aussitôt sa petite équipe. Il va enfin faire ce qu’il veut, comme il veut: une cuisine simple qui va à l’essentiel, avec de la jugeote et du bon sens. Ce sera Quinsou, le pinson en occitan.
Cuisinier et boucher
À deux pas de Quinsou, une boucherie ancienne est à vendre. Antonin s’interroge:
Faut-il devenir végétarien ou au contraire être acteur et décider à son échelle de manger de la viande de façon active, sincère. Même si c’est toujours un acte difficile car on sacrifie un animal. Comment accepter cet acte sauvage et l’assumer pleinement ?
Il fait son choix: il sera boucher d’un genre nouveau. Élitiste, mais au niveau des choix, pas des prix. Car on y paiera le vrai prix, celui qui permet à tous de vivre convenablement, loin des produits dont l’emballage coûte plus cher que la viande elle-même, qui affame les éleveurs et abîme la planète. On n’y vendra que des bêtes bien élevées, par des éleveurs qu’il connaît. Avec de la charcuterie tout aussi éthique, et quelques plats cuisinés par ses soins. Ouverture fin mai ou début juin.
La recette de l’enfance
Il y a en a tant ! La terrine de lapin au laurier aux pistaches, la tarte aux pommes, les bugnes ?
Non, le gratin de chou-fleur, celui que je fais à mes filles. Elles ont 12 et 14 ans, et elles l’adorent, depuis toutes petites. La première chose: la béchamel. Comme ma grand-mère, je la fais cuire longtemps, 1h environ -d’ailleurs, elle était très contente quand son mari lui a offert l’induction, parfaite pour le mijotage. Elle la commençait un peu plus liquide que la normale puis la mixait pour une excellente fluidité. Ensuite le chou-fleur, cuit à la vapeur et jamais à l’eau, encore légèrement ferme. Et enfin l’emmental qu’elle râpait à la surface du plat qu’elle faisait gratiner au four. Je n’ai rien changé et c’est toujours un délice.
Quinsou, 33 rue de l’Abbé Grégoire Paris (VIe) – t/ 33 61 42 22 66 09 – Plus de renseignements ici
2 Comments
Isabelle
Merci Elisabeth Scotto pour ce beau portrait et cette adresse que j’irai découvrir.
Lilou
Bonsoir, une parenthèse oubliée… Antonin Bonnet a un frère cuisinier, chef d’un restaurant à Alès.