De la forêt aux fourneaux de l’Abeille, restaurant étoilé du Shangri-La Paris, il n’y a qu’un pas, que Christophe Moret a su franchir avec un formidable talent.

Christophe Moret est né à Orléans « par accident », dit-il. Sa mère est en effet de Béthune et son père de Saint-Benoît-sur-Loire, célèbre pour son abbaye. La vie a de ces caprices ! Christophe passe son enfance à Saint-Jean-le-Blanc (Loiret). Dans la famille paternelle, on est maraîcher de père en fils: dans ce contexte, le jeune homme apprend tout des produits de la terre. Dans la famille maternelle, on est certes traditionnellement commerçant, mais il y a surtout un grand-père qui chasse et cuisine parfaitement les gibiers, tâche qu’il prend extrêmement au sérieux:
Alors que j’étais jeune cuisinier, nous avons eu un débat sur la cuisson du canard. J’ai fait un canard comme il faut, à la goutte de sang, mais pour lui ce n’était pas cuit. Je garde cependant un excellent souvenir de son ramier aux petits pois. J’ai baigné dans ces repas dominicaux familiaux.
Le week-end, le jeune homme va en forêt avec son père, couper du bois pour chauffer la maison. Son rêve: travailler à l’ONF (Office National des Forêts). Hélas, il n’est pas bon élève, son dossier de candidature est refusé. Mais il est gourmand, fou de moto et, pour se payer des pièces détachées, fait des extras en cuisine, partout où il peut. Finalement, lorsqu’un de ses copains, qui y étudie, lui vante les mérites du lycée hôtelier de Blois, Christophe se laisse convaincre et se lance. CAP et BEP en poche, à 17 ans, il décroche son premier job chez un ancien cuisinier du France. Désormais, les belles rencontres se multiplieront au fil du temps. Comme celle avec Bruno Cirino, qui venait de reprendre les cuisines du Grand Hôtel de Saint-Jean-de-Luz:
J’ai adoré travailler avec lui, sa connaissance des produits est fabuleuse.
Il suit l’équipe au Château Eza, à Èze. Ce sera ensuite Jacques Maximin au Théâtre – « Une année extrêmement riche et colorée ». Il quitte ce dernier pour une place de commis chez Alain Ducasse au Louis XV à Monte-Carlo. Il reste 7 ans dans les diverses maisons du chef, réalisant l’ouverture du Spoon et terminant chef 3 étoiles au Plaza. Il partira ensuite chez Lasserre pour 4 ans, avant de prendre enfin en main les cuisines de l’Abeille au Shangri-La, où il officie depuis 5 ans.
Deux passions marquantes
Le japon et l’Italie ont marqué la carrière du chef:
Au Japon, j’ai été stupéfait par la rigueur, la discipline et l’exigence de qualité. J’aime la culture, l’artisanat, les paysages magnifiques. Mais le Japon reste un grand mystère pour moi. J’aime aussi l’Italie, son patrimoine, ses produits fabuleux, sa cuisine colorée, Naples et les paysages de la côte amalfitaine. Je me souviens de petits déjeuners napolitains, à Pâques, sous une pergola de citronniers des quatre saisons, en fleurs et en fruits. J’ai un ami qui me prête une moto là-bas et mon bonheur est de découvrir les alentours.
C’est ce qu’il aime dans ce métier:
Par exemple réaliser un jus parfait, précis rigoureux, et m’amuser autour. Bref, un mariage Japon-Italie.
Un leitmotiv, être responsable
Pour Christophe, impossible de bien cuisiner sans connaître ses producteurs:
Ducasse a raison quand il dit qu’il ne faut pas qu’ils survivent, mais qu’ils vivent.
Il rend régulièrement visite à ses fournisseurs, donne des graines ramenées du Japon à son maraîcher… Le chef leur fait une confiance totale et veut absolument entretenir cette diversité.
Chacun est responsable de ses choix. Jamais je ne ferai la promotion de l’agro-alimentaire. Arrêter d’acheter, c’est le seul moyen de faire bouger les lignes. Si on veut, on peut.
Mais Christophe n’est pas pessimiste, s‘émerveillant de voir des gens qui ont fait de grandes études revenir à des métiers manuels. Il trouve autour de lui matière à se réjouir. À Sartrouville, où il habite, il y a aujourd’hui des magasins bio, un paysan qui vend ses paniers de légumes, un producteur qui vient au marché une fois par semaine, de Cancale, vendre huîtres, coquillages et homards, en viviers. Voilà qui est bon signe.
Une recette ? « Le lapin à la crème de ma mère »
J’allais chercher les pommes de terre dans le petit jardin potager de la maison. Et pendant que ma mère préparait un lapin au vin blanc, à la crème et aux champignons – lapin qui venait de la ferme voisine – on faisait rôtir les pommes de terre à part. J’adore le lapin et j’en fais toujours à la maison. Comme celui de ma mère, ou à la moutarde, à la tomate… Différent selon les saisons. Et mes enfants adorent !
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