Riaumont: quand le « diable » s’en mêle ?

RELIGION I Longtemps restée en autarcie dans un parc de Liévin (Pas-de-Calais), la communauté de Riaumont a dû sortir du bois, secouée par plusieurs enquêtes pour agressions sexuelles et maltraitance en nombre visant d’anciens responsables. Et si la vérité était tout autre ?

L’entrée de la communauté Sainte-Croix de Riaumont, le 6 mai 2018 à Liévain I AFP/Archives / DENIS CHARLET

Cette communauté, qui lutte contre les idéologies anti-chrétiennes et anti-morales, ne faisait guère parler d’elle jusqu’à la révélation début mai de plusieurs enquêtes de grande ampleur en cours pour agressions sexuelles et maltraitance. Plus de 200 témoins et victimes ont été auditionnés par la police dans plusieurs pays depuis 2013, pour des faits remontant aux années 1990 et 2000 selon nos confrères du Point. L’ancien prieur a été mis en examen pour détention d’images pédo-pornographiques, selon les dires de l’évêque conciliaire d’Arras Mgr Jean-Paul Jaeger qui assure n’avoir aucune responsabilité quelconque sur la communauté.

Tant qu’il n’y a pas de vague, on n’essaie pas d’entrer dans la vie privée d’une institution comme cela, a confié Jean-Pierre Kucheida, élu conseiller municipal en 1971 puis maire socialiste de 1981 à 2013 de Liévin, dans l’ex-bassin minier. Pourtant, pour lui, l’Etat a la possibilité de contrôler ce genre d’établissement.

Les religieux actuels, peu diserts, sont meurtris par ces révélations.

Je dénonce et condamne tout acte contre les enfants mais il y a le secret de l’instruction, a déclaré le père Jean-Paul Argouarc’h, fustigeant la presse qui amalgame. C’est crucifiant pour notre communauté.

« Spiritualité scoute »

Depuis la route qui longe les enceintes du parc, entouré des maisons pavillonnaires de Liévin, on n’aperçoit qu’un mirador, d’où flotte un drapeau bleu-blanc-rouge à travers les arbres. A l’intérieur des 7ha de parc ont été construits depuis les années 1960 un village d’enfants, une école et un mémorial national des scouts morts pour la France, entre autres. Une messe dominicale, ouverte à tous, est célébrée dans une chapelle aux allures monastiques. Fondée par le père Albert Revet, la communauté de Sainte-Croix de Riaumont enseigne la spiritualité scoute et bénédictine. Dans le village d’enfants, les religieux y accueillent des centaines d’enfants en difficulté, mais aussi des réfugiés, des boat people asiatiques, Mhongs, enfants du Cambodge ou d’Afrique. Plus récemment, Riaumont a reçu aussi quatre familles d’Irakiens victimes de Daesh, venant des camps de réfugiés d’Erbil.

C’est une communauté, à une époque fortement marquée à droite, qui s’est imposée à nous, qui n’a jamais posé de problème particulier, se souvient M. Kucheida.

« Presque militaire »

Ils ont une vision du scoutisme qu’ils veulent presque militaire, qui n’est pas la nôtre, décrit le vicaire général conciliaire du diocèse d’Arras Vincent Blin. Ancien curé de la paroisse de Liévin, il les rencontrait ponctuellement pour des célébrations.

Jusqu’aux années 1980, les enfants fréquentaient l’école communale. Mais depuis 1989, face à la dégradation de l’école publique, selon eux, les religieux dispensent eux-mêmes les cours de travail manuel et les matières fondamentales aux collégiens, de la 6e à la 3e. Les examens sont corrigés par correspondance. En 1982, le financement de l’Etat au titre des enfants placés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) cesse sans préavis, selon la communauté de Riaumont. Elle affirme sur son site avoir été longtemps reconnue et encouragée par les services sociaux. Les fonds proviennent désormais à 17% des pensions versées par les parents et à 83% des dons.

Selon un communiqué, daté du 5 mai dernier:

La communauté de Riaumont coopère dans la plus grande transparence et avec une totale détermination avec les autorités judiciaires afin que toute la vérité soit faite, dans la droite ligne de l’appel lancé hier par la Conférence des Évêques de France (CEF).

S’il devait être établi un jour par la justice que Riaumont a pu comporter parmi les siens, comme cela a pu arriver dans des établissements destinés à l’éducation et à l’instruction des enfants, publics ou privés, laïcs ou religieux, des membres dont l’attitude n’est pas conforme à la loi et au respect dû aux enfants, nous appelons au discernement en rappelant à la présomption d’innocence, et nous invitons toutes les personnes et autorités concernées à ne pas mettre en cause, par amalgame, ceux qui œuvrent au service des autres en ayant fait don de leur vie dans la pauvreté.