Les analystes doutent du succès de la manif’ de samedi

POLITIQUE I France insoumise, qui espère mobiliser massivement samedi contre le (soi-disant) coup d’Etat social d’Emmanuel Macron, se pose comme le principal rempart face au président français. Mélenchon souhaite rallier la jeunesse… ce n’est pas gagné.

Fort de ses sept millions de voix au premier tour, le mouvement du camarade Mélenchon a manifesté aux côtés des organisations syndicales le 12 septembre dernier et l’activisme de ses troupes à l’Assemblée le place dans la situation de meilleur opposant au président. Mais les Insoumis devront faire samedi sans la CGT, dont le secrétaire général Philippe Martinez a vu ses appels à la mobilisation contre la réforme du Code du travail être peu suivis jeudi, a annoncé, tout comme les communistes, qu’il ne participerait pas au défilé. Pour mesurer le succès de son appel à la rébellion, les analystes auront à l’esprit le rassemblement du 18 mars 2017 qui, en pleine campagne présidentielle, a, selon les organisations, vu Paris envahi de 130.000 manifestants selon les organisateurs -la police n’avait pas donné de chiffres.

Ralliement crucial autour de Mélenchon

Le candidat perdant à l’élection présidentielle avait d’ailleurs récolté 30% des suffrages chez les 18-24 ans, selon un sondage publié en avril par l’institut Ipsos. Dans un sondage Odoxa publié jeudi, les Français dressent un portrait sévère du camarade communiste Mélenchon, dont ils ont à 58% une mauvaise opinion et dont ils estiment à 66% qu’il serait un mauvais président, notamment en raison de son agressivité. Mais les jeunes interrogés par cet institut ont un avis exactement inverse : ils sont 58% à avoir une bonne opinion du tribun de gauche habile à enflammer les foules. Pour Michel Wieviorka, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et spécialiste des mouvements sociaux, le parti n’est pas le mieux placé pour représenter la jeunesse.

La France insoumise a un modèle politique qui ne peut pas correspondre à toute cette jeunesse, considère le sociologue.

En marge des manifestations de 2016, un mouvement de protestation, Nuit debout, avait réuni durant plusieurs semaines des centaines de manifestants sur la Place de la République. Michel Wieviorka estime qu’il n’y a pas l’ébauche d’un rassemblement comparable actuellement.

La France insoumise a capitalisé beaucoup des affects politiques et des tensions qui étaient ceux de 2016, et la mort de Nuit debout a été sa captation par la politique traditionnelle, affirme le chercheur.

Selon Albert Ogien, directeur de recherches à l’EHESS sur les mouvements sociaux, il est impossible de revoir un même mouvement qui, dit-il, n’a eu que peu d’effets. La continuité, si on suit la vision de François Ruffin, aurait été de rejoindre La France insoumise, mais en réalité, ils sont peu à avoir fait ce choix, soutient le sociologue.

Pas vraiment d’adhésion

Le mouvement de Mélenchon a pourtant bien l’ambition de rassembler tous ceux qui ont envie de dire non au président de la République, dont une partie de cette jeunesse, touchée par la réforme des aides personnalisées au logement (APL).

Pour la manifestation du 23, on pense qu’il peut y avoir un grand rassemblement, avec des milliers de jeunes, tout comme les nombreux jeunes engagés dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon, insiste Alexis Corbière, député LFI et porte-parole de Mélenchon.

Pour Albert Ogien, France insoumise ne peut pas avoir ce caractère hégémonique dans l’opposition.

La France insoumise compte une vingtaine de députés. Leur poids est totalement disproportionné, c’est un effet médiatique, estime le sociologue. Dans le rassemblement de samedi, il faudra distinguer les revendications sectorielles et légitimes - comme celles des APL ou des étudiants - et l’adhésion aux idées de la France insoumise, explique-t-il…