L’ex-aide de camp de l’ancien président du Gabon Omar Bongo est désormais le nouvel homme fort du pays, tandis qu’Ali Bongo a été placé en résidence surveillée.
Oligui président ! », scandent des centaines de militaires. Brandissant son béret vert de la Garde républicaine, porté en triomphe par les hommes de cette unité d’élite, le général Brice Oligui Nguema a été désigné mercredi président de la transition et prêtera serment lundi 4 septembre devant la Cour constitutionnelle, ont annoncé les putschistes jeudi 31 août. Ces derniers ont mis « fin au régime » du président Ali Bongo Ondimba, placé en résidence surveillée.
Brice Oligui Nguema, 48 ans, que l’on dit aussi discret que secret, n’est pas apparu dans les trois premiers communiqués qu’il a laissé lire par des colonels et lieutenants-colonels à l’antenne de la télévision d’Etat. Y compris celui qui l’intronisait président de transition, à la tête du « Comité pour la transition et la restauration des institutions » (CTRI). Quotidien Libre se penche sur le profil du nouvel homme fort du Gabon, à la tête de la plus puissante unité de l’armée depuis 2020.
Il était très proche d’Omar Bongo
Fang par son père, l’ethnie la plus nombreuse au Gabon, cet homme du sérail a principalement grandi avec sa mère dans la province du Haut-Ogooué, le fief du clan Bongo. Brice Oligui Nguema a vite gagné ses galons en tant qu’aide de camp de l’ancien président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, père d’Ali Bongo, qui a dirigé le pays pendant près de quarante et un ans jusqu’en 2009. « Quand je l’ai connu, c’était quelqu’un d’assez intelligent, à la conversation facile et qui n’avait pas peur des journalistes à l’époque », raconte à France 24 Francis Kpatindé, journaliste, maître de conférences à Sciences-Po Paris et spécialiste du Gabon.
Réputé francophile, Brice Oligui Nguema était ainsi très proche d’Omar Bongo, considéré comme l’un des piliers de la Françafrique. Il l’a suivi comme son ombre de 2005 à 2009, jusqu’au dernier souffle du chef d’Etat dans un hôpital de Barcelone, selon le récit d’une ancienne proche collaboratrice au cabinet du « patriarche » à l’AFP. Ecarté en 2009 après l’élection d’Ali Bongo à la mort de son père, il entame une traversée du désert de dix ans, en tant qu’attaché militaire des ambassades du Gabon au Maroc et au Sénégal.
« Après l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir, Brice Oligui Nguema avait été accusé d’avoir pris part à une tentative de coup d’Etat fomentée par le général Ntumpa [en 2009]. Sauf que sa responsabilité dans ce coup d’Etat n’avait pas été établie lors du procès tenu à Libreville », raconte à RFI Bergès Mietté, chercheur au laboratoire Les Afriques dans le monde. « C’est à ce moment-là qu’il a été démis de ses fonctions, plus ou moins, et qu’il a été envoyé à l’ambassade du Gabon au Sénégal, comme attaché militaire. »
Il était la clé de voûte du dispositif sécuritaire du Gabon
Revenu sur le devant de la scène à la tête de la Direction générale des services spéciaux de la Garde républicaine en octobre 2019 en remplacement de Frédéric Bongo, demi-frère d’Ali, Brice Oligui Nguema est propulsé seulement six mois plus tard, en avril 2020, commandant de cette garde prétorienne de la présidence. A la tête de ce régiment d’élite, il a notamment poussé Ali Bongo à améliorer les conditions de vie et de travail de ses hommes : réfection et modernisation des infrastructures, financement d’écoles destinées aux enfants de militaires, rénovation de certains logements… Des mesures qui ont permis à ce meneur d’hommes de s’attirer la sympathie et le respect des siens.
L’homme a aussi fait l’objet d’une polémique. En 2020, rappelle RFI, une enquête de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project révèle que « Brice Clotaire Oligui Nguema possède plusieurs propriétés aux Etats-Unis, d’une valeur totale d’un million de dollars. En 2018, il aurait par exemple payé cash 447 000 dollars pour acheter une propriété dans la ville de Silver Spring. »
Il est présenté comme « un homme de consensus »
L’ancienne proche collaboratrice loue également auprès de Quotidien Libre « un homme de consensus, qui ne hausse jamais le ton, qui écoute tout le monde et cherche systématiquement le compromis ». Il l’a encore prouvé mercredi en unissant des officiers de tous les corps d’armée au sein du CTRI pour un coup d’Etat, sans effusion de sang rapportée.
Interviewé par Le Monde, Brice Oligui Nguema a assuré qu’Ali Bongo avait été mis « à la retraite ». « Il jouit de tous ses droits. C’est un Gabonais normal, comme tout le monde. » Il a également justifié le coup de force des militaires en ces termes : « Vous savez qu’au Gabon, il y a une grogne et, au-delà de cette grogne, il y a la maladie du chef de l’Etat [Ali Bongo a été victime d’un AVC en octobre 2018]. Tout le monde en parle, mais personne ne prend ses responsabilités. Il n’avait pas le droit de faire un troisième mandat, la Constitution a été bafouée, le mode d’élection lui-même n’était pas bon. Donc l’armée a décidé de tourner la page, de prendre ses responsabilités. »
Brice Oligui Nguema n’a toutefois pas encore fixé de durée pour une transition avant le retour des civils au pouvoir, laissant planer le doute sur ses intentions.