La tempête Daniel a généré des pluies diluviennes et des vents violents entre Benghazi et Tobrouk. La ville de Derna, située dans l’est du pays, semble la plus touchée.
Dans l’est de la Libye, la tempête Daniel a laissé, entre le samedi 9 et le lundi 11 septembre, des dégâts humains et matériels incommensurables. A Derna, les conséquences de la catastrophe sont terrifiantes. Les pluies torrentielles accumulées dans la région montagneuse du Jabal Al Akhdar, qui surplombe la cité côtière, se sont écoulées le long du massif rompant deux barrages, submergés par les volumes de retenue trop importants. Elles ont tout ravagé sur leur passage.
La crue a emporté les habitants de Derna, ses arbres, ses maisons, ses immeubles, ses rues, ses places et tout ce qui constituait un pan de cette ville de 100 000 habitants. Elle n’a laissé qu’une cicatrice béante en plein milieu de la cité. Dans un entretien téléphonique, lundi, avec le média libyen Al-Marsad, Oussama Hammad, le premier ministre de l’Est libyen, dont l’autorité n’est pas reconnue par la communauté internationale, a indiqué que dans cette ville « sinistrée », « des quartiers entiers ont disparu ». D’après lui, le bilan humain de cette calamité s’élève à plus de « 2 000 morts » et des « milliers de disparus ».
Son ministre de l’intérieur, Essam Abu Zeriba, s’est montré encore plus alarmiste, en affirmant le même jour sur la chaîne satellitaire Al-Arabiya que « plus de 5 000 personnes seraient portées disparues à Derna » et que de nombreuses victimes auraient été emportées vers la mer Méditerranée. Toutes ces estimations sont provisoires. Celles-ci ne prenant pas en compte les morts et les disparus dans les autres villes touchées par le déluge comme Al-Marj, El-Baïda ou encore Benghazi, la seconde ville du pays.
A Derna, un trou béant au milieu de la ville
Après avoir violemment balayé la Grèce, la Turquie et la Bulgarie, tuant au moins 27 personnes sur son passage, le phénomène météorologique, qualifié d’« extrême en termes de quantité d’eau tombée » par les experts, a continué son chemin vers l’Afrique du Nord. Dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 septembre, il a atteint les côtes de l’Est libyen, générant des pluies diluviennes et des vents violents sur une vaste région entre Benghazi et Tobrouk, causant d’importants dégâts humains et matériels.
Les nombreuses images partagées par les internautes libyens permettent d’attester de la violence de la tempête. Dans la région d’El-Beïda, la crue a dépassé par endroits les deux mètres, engloutissant les maisons, emportant des voitures en stationnement. Sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on voit un homme happé par le courant s’éloigner vers l’inconnu pendant qu’un autre lâche des cris désespérés : « Tiens bon, tiens bon ! » A d’autres endroits, l’eau a éventré les routes, rendant impossible le passage des véhicules et compliquant considérablement les opérations de secours. L’accès à l’électricité et aux moyens de communication a aussi été fortement affecté.
Mais c’est bien à Derna que les dégâts semblent les plus considérables. Une vidéo sur les réseaux sociaux montre un trou béant au milieu de la ville, suivant le tracé du cours d’eau descendant de la montagne vers le littoral et des scènes de dévastation à perte de vue. Derna, l’une des premières villes à être tombée aux mains de la rébellion lors de la révolution de 2011 contre le pouvoir de Mouammar Kadhafi, réputée désormais comme un bastion du djihadisme local, avait été le théâtre de plusieurs batailles au cours des années de guerre civile. Elle n’avait cependant jamais connu pareille désolation.
Des estimations encore partielles
Dans cette vaste région montagneuse où les rares infrastructures ont été fortement endommagées et de nombreuses routes coupées, les estimations sur le nombre de morts et de blessés, tout comme sur les dégâts matériels, semblent encore très partielles. Au cours de la journée de lundi, la chaîne de télévision libyenne Al-Hurra a d’abord pu confirmer le décès d’au moins 25 personnes, auprès de sources médicales, sans donner plus de précisions. Un autre bilan donné par le porte-parole du général Khalifa Haftar, le chef de l’exécutif parallèle basé à Benghazi, faisait lui état d’« au moins 150 personnes tuées à cause des inondations provoquées par la tempête Daniel ».
D’autres médias locaux ont fait état de nombreux décès dans différentes communes et de dizaines de personnes portées disparues, y compris huit militaires qui tentaient de venir en aide aux sinistrés. Le Croissant-Rouge libyen a quant à lui annoncé qu’un de ses membres, Hussein Buzenouba, était décédé « alors qu’il essayait de sortir une famille bloquée ».
Face à l’ampleur de la catastrophe, l’Armée nationale libyenne, qui contrôle l’est du pays, a été mobilisée sur instruction du général Khalifa Haftar pour venir en aide aux personnes touchées par le déluge. Une enveloppe de 200 millions de dinars (environ 38 millions d’euros) a par ailleurs été débloquée pour soutenir les nombreuses communes touchées.
Dans l’ouest du pays, la catastrophe a aussi fait réagir. Depuis Tripoli, la capitale, le gouvernement d’union nationale, reconnu par la communauté internationale, a appelé dimanche « toutes les autorités publiques et compétentes » à « prendre des mesures urgentes et exceptionnelles et exploiter toutes leurs capacités pour faire face aux graves dommages causés aux propriétés publiques et privées dans les communes touchées ».
Son ministre de l’intérieur, Imed Trabelsi, a par ailleurs chargé les forces de sécurité, qui n’ont aucune assise dans l’est du pays, de réunir 1 000 personnes issues de différents corps « afin de se déplacer pour soutenir les directions de la sécurité dans la région orientale ». Plusieurs convois de véhicules d’urgence ont ainsi quitté la Tripolitaine, lundi, pour se rendre en Cyrénaïque, aplanissant le temps d’un drame les divisions politiques qui minent habituellement la Libye.
Les Nations unies en Libye ont annoncé suivre « de près la situation d’urgence provoquée par les conditions météorologiques extrêmes dans la région orientale du pays » et se sont dites prêtes « à fournir une aide humanitaire d’urgence pour compléter les efforts nationaux et locaux ». La France a elle aussi présenté ses condoléances par l’intermédiaire de son ambassade à Tripoli, tout comme la Tunisie voisine.