Lors de la COP 28 à Dubaï, les États feront le bilan de santé de la planète pour la première fois depuis l’Accord de Paris de 2015. Le climat est sur la mauvaise pente.
Peut-on encore espérer ? Au terme de la COP 21, le 12 décembre 2015, près de 200 dirigeants mondiaux signaient un historique Accord de Paris. L’objectif affiché : limiter le réchauffement planétaire en cours « bien en dessous de 2 °C » d’ici 2100 par rapport aux niveaux préindustriels, en faisant tout pour le maintenir à 1,5 °C.
Lors de la COP 28, qui commence ce 30 novembre à Dubaï, les États feront le premier bilan mondial de cet accord afin d’évaluer les « lacunes » des engagements climatiques de chaque pays et réfléchir à des solutions pour limiter le réchauffement « à l’horizon 2030 et après », détaille l’ONU sur son site. On peut déjà prédire que cette rétrospective ne sera pas rose.
Chaque dixième de degré compte
Revenons d’abord sur ce qui se cache derrière cet objectif des « + 2 °C maximum ». Pour évaluer le réchauffement de la planète, les scientifiques mesurent « la moyenne des températures à tous les points du globe », explique Amy Dahan, directrice de recherche émérite au CNRS, au HuffPost. Pour obtenir cette moyenne, ils et elles s’appuient sur des mesures prises sur le terrain et les données de dizaines de satellites autour du globe. Actuellement, la planète s’est réchauffée de 1,2 °C depuis l’ère préindustrielle.
Et si les chercheurs prennent la température de la planète, c’est que chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire peut entraîner des conséquences désastreuses (canicules extrêmes, sécheresse, extinction d’espèces…). C’est comme un humain qui a de la fièvre, illustre Wolfgang Cramer, directeur de recherche au CNRS, auprès de France 24 : « La température corporelle d’un individu est de 37 °C. Si on y ajoute 1 °C, il sera souffrant et aura légèrement mal à la tête. À 2 °C, il souffrira encore davantage. Mais à 3 °C, cela peut devenir dangereux. »
Par ailleurs, plus la planète frôle les 2 °C, plus le risque d’atteindre des « points de bascule » est important. « C’est le cas, par exemple, de la déstabilisation de la calotte glaciaire antarctique », poursuit Wolfgang Cramer. Si elle venait à fondre, elle libérerait une quantité astronomique de gaz à effet de serre, ce qui viendrait réchauffer l’atmosphère et favoriserait encore plus la fonte. Un cercle vicieux.
« Physiquement possible, mais politiquement impossible »
En bref, restant sous la barre des 2 °C de réchauffement, c’est notre avenir qui est en jeu. Sauf que pour le moment, la hausse des températures s’apparente à une course à tombeau ouvert. Et pour cause, « les émissions de gaz à effet de serre mondiales n’ont cessé d’augmenter depuis l’accord de Paris, car les engagements des États sont insuffisants », note Amy Dahan.
Le rapport de l’ONU publié en amont de la COP donne du poids aux reproches des scientifiques. Il conclut que les engagements climatiques pris par les pays du monde entier à l’heure actuelle placent la planète sur une trajectoire de réchauffement allant jusqu’à 2,9 °C d’ici 2100. Cette publication fait aussi suite à un précédent rapport de l’ONU, publié mi-novembre, qui concluait que les engagements des pays mènent à 2 % de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des 43 % préconisés pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.
Ce qui est rageant, selon Yamina Saheb, l’une des autrices du dernier rapport du Giec, c’est que l’objectif des 1,5 °C reste « physiquement encore possible, mais politiquement impossible », déplore-t-elle au HuffPost. Si tous les pays décidaient lors de la COP 28 de sortir rapidement des énergies fossiles – qui représentent 80 % des émissions de gaz à effet de serre – rester en dessous des 2 °C serait encore possible.
Les COP « ne servent plus à rien »
« C’est comme si vous cherchiez à perdre du poids. En réalité, il n’est jamais trop tard », jugeait le rapporteur du Giec François Gemenne dans une interview donnée à Franceinfo en novembre 2022. « Tout ce que vous allez réussir à faire pour limiter les émissions de gaz à effet de serre va aussi limiter l’augmentation de la température », arguait-il, plaidant pour « un objectif atteignable fixé à + 2 °C ».
Problème : le président de la COP 28, le contesté Sultan Al-Jaber, qui est aussi le PDG de l’ADNOC, la principale compagnie pétrolière des Émirats arabes unis, n’est pas prompt à sortir du triptyque charbon, gaz, pétrole. Il prétexte « ne pas vouloir créer de crise énergétique ». Le président de la COP 28 assure tout de même vouloir sauver l’Accord de Paris. « Je demanderai à tout le monde et à chaque industrie d’assumer ses responsabilités et de rendre des comptes dans le but d’atteindre l’objectif de 1,5°C », a-t-il assuré ce samedi 25 novembre dans un entretien à l’AFP, affirmant que cette COP est « la plus importante depuis Paris ».
Dénonçant l’« hypocrisie » des propos du président de la COP 28, l’autrice du Giec Yamina Saheb estime que les COP « ne servent plus à rien ». La docteure en énergétique affirme qu’il faut passer à des « COP des peuples » car, selon elle, seul « un mouvement citoyen mondial permettra de trouver des solutions pour limiter le réchauffement ». Joignant la parole à l’action, la chercheuse a décidé de participer à une COP alternative, organisée par le collectif Scientifiques en rébellion, le 30 novembre à Bordeaux.