L’IPBES, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, publie un rapport sur les espèces exotiques envahissantes, dont les effets dévastateurs sur la planète ne cessent d’augmenter. Il est encore temps de freiner cette cause majeure d’effondrement de la biodiversité.
De la découverte des Amérique à l’essor du commerce mondial, le transport des Hommes et des marchandises s’est aussi accompagné de celui d’espèces exotiques envahissantes. Alors que ces dernières sont potentiellement dévastatrices pour l’environnement, leurs effets étaient jusqu’à présent peu documentés. Pour y remédier, l’IPBES, équivalent du Giec pour la biodiversité, publie ce lundi un « rapport d’évaluation sur les espèces exotiques envahissantes et leur contrôle ».
Le rapport du panel international d’experts réunis sous l’égide d’ONU permet de mieux appréhender les causes et conséquences de ce fléau. Il recense aussi les moyens d’agir.
Dix pour cent d’espèces nuisibles
Les espèces tropicales envahissantes ou invasives sont aussi bien des animaux que des plantes. Elles sont introduites volontairement ou non par l’Homme. Au total, l’IPBES en recense plus de 37.000 dans le monde entier, dont près de 10 % sont nuisibles et constituent « une menace grave pour la nature ».
Les exemples sont nombreux : du dodo de l’île Maurice, disparu en raison de la prédation d’animaux importés par les colons (rats, chats, chiens), à l’écrevisse américaine, prédateur redoutable dans les cours d’eau français. Quant au frelon asiatique (Vespa velutina) introduit accidentellement en France par une cargaison de poteries de Chine, il décime les abeilles et leurs services écosystémiques.
Cinquième cause d’effondrement de la biodiversité
Ces espèces invasives prolifèrent et causent des dommages irréversibles à la Nature. Elles ont un « rôle majeur dans 60 % des extinctions de plantes et d’animaux dans le monde », indique l’IPBES. Pire, elles sont le seul facteur de « 16 % des extinctions mondiales d’animaux et de plantes ».
Résultat : elles constituent désormais la cinquième cause de l’effondrement de la biodiversité, au même titre que le changement climatique, la pollution, les changements dans l’utilisation des terres et des mers ou encore l’exploitation directe des espèces. Elle était jusqu’à présent « la moins connue et comprise », souligne Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS spécialiste des questions de biodiversité.
Nous l'avons fait! #IPBES10 🎉👏
— IPBES en français (@ipbesfr) September 2, 2023
📢Le rapport de l'@IPBES #EspècesExotiquesEnvahissantes a été approuvé par nos 143 États membres!💥
🔍Soyez prêts à découvrir les principaux éléments du rapport!
Restez à l'écoute pr le lancement médiatique : 4 Sept.📣⤵️https://t.co/z5DpQfnpe6 pic.twitter.com/qwQtn9RNcP
Un coût annuel de plus de 423 milliards
Leur coût économique mondial dépassait les 423 milliards de dollars par an en 2019, souligne le rapport. Mais cette estimation n’est que « la partie émergée de l’iceberg », alerte Franck Courchamp, une grande partie des effets des espèces invasives n’étant pas documentés. Ce montant provient essentiellement (à 90 %) des dommages causés par ces espèces invasives, des pertes agricoles aux sinistres sur le bâti en passant par les dégâts sur les infrastructures.
Seulement 10 % de ces coûts financent la prévention. Un faible investissement d’autant plus inquiétant que ces coûts ont au moins quadruplé chaque décennie depuis 1970. Et la hausse devrait rester exponentielle avec l’essor des échanges internationaux et le changement climatique.
Une menace pour l’Homme dans 85 % des cas
Ces espèces menacent directement l’Homme avec 85 % des impacts recensés qui « ont une incidence négative sur la qualité de vie des populations », selon le rapport. Ces espèces véhiculent des maladies, comme le paludisme , Zika ou encore la fièvre du Nil occidental.
Par ailleurs, ce fléau nuit aux moyens de subsistance de l’Homme. Le rapport cite l’exemple du lac Victoria (plus grand lac d’Afrique) où la pêche a décliné en raison de la propagation de la jacinthe d’eau, « l’espèce exotique envahissante terrestre la plus répandue », précise l’IPBES.
Des lois dans seulement 17% des pays
L’IPBES déplore que seuls 17 % des pays disposent de lois spécifiques pour lutter contre ces espèces invasives. Pourtant, des mesures pourraient freiner ce fléau : plus de prévention, un meilleur contrôle, le confinement ou même l’éradication ont prouvé leur efficacité. Le lapin de garenne ou le rat noir ont ainsi disparu de Polynésie française.
L’idée d’une gouvernance mondiale sur ces sujets est aussi avancée. « La bonne nouvelle, c’est que, pour presque tous les contextes et toutes les situations, il existe des outils de gestion », se réjouit Anibal Pauchard, coprésident de l’évaluation. Encore faut-il que les Etats et les citoyens mesurent l’ampleur de ce sujet.