Après un tour de France lancé l’été dernier autour de son livre, l’annonce officielle de sa candidature mardi midi a sonné la fin d’un doute qui n’en était plus un. Retour sur le début de campagne d’Eric Zemmour, rythmé par quelques rebondissements.
C’est un genre de candidat auquel le système n’est pas vraiment habitué. Familier des sphères germanopratines sans jamais retenir ses critiques, Éric Zemmour a toujours voulu garder un pied dedans, un pied dehors. Qu’il suscite le rejet, qu’il intrigue ou séduise les Français, le candidat désormais déclaré ne laisse pas du tout indifférent. D’ailleurs son franc-parler tranche avec la bien-pensance établie, cette pensée unique anti-démocratique qui fait battre le coeur d’une intelligentsia donneuse de leçons. Oui, sa liberté de ton fait succès. Elle lui a permis de fabriquer des ennemis, il en faut. C’est toute la complexité et la fascination du personnage.
En septembre dernier, quand les rumeurs de candidature grondait déjà lourdement, son éviction de la chaîne d’informations CNews par le CSA aura finalement joué le rôle de catalyseur. Invité sur tous les médias, y compris celui où il officiait, Eric Zemmour incarne la garantie d’une audience au beau fixe pour toutes les chaînes de télévision même celles qu’ils le reçoivent en détournant le regard. A ses confrères muselés, achetés bon gré mal gré par un Etat avide d’universalisme, le polémiste fait l’effet d’une symétrie qui dérange. Attaché à la liberté d’expression, Zemmour ne mâche pas ses mots. Aucun procès ne le fait reculer, bien au contraire.
Le désormais candidat à la présidentielle française est parfois comparé à Trump, tant ses saillies sont abruptes. Les dernières minutes après l’interview bouffonne délivrée par Gilles Bouleau mardi soir sur TF1 donnera d’ailleurs des arguments en ce sens. L’épisode au Salon Milipol à Paris l’illustre bien aussi. On se souvient du journaliste qui s’était saisi d’un fusil de haute précision non chargé et l’avait dirigé à l’endroit des journalistes avec un air goguenard en s’exclamant : « ça ne rigole plus, là ». Une réponse du berger à la bergère après la publication des photos prises par un paparazzi sur la Côte d’Azur où ion le découvre en compagnie rapprochée de sa conseillère Sarah Knafo. Quelques jours avant, le polémiste accueillait avec joie un sondage Harris Interactive inédit. Crédité de 18 %, Éric Zemmour se hissait au second tour de la présidentielle devant Marine Le Pen et ses 15 %. Les coup bas n’y faisaient visiblement rien et la dynamique semblait bien orchestrée.
Son dernier livre « La France n’a pas dit son dernier mot » publié par les éditions de l’auteur après son éviction de chez Albin Michel, obtient un vif succès. Une dédicace pour certains, meeting pour d’autres, les rendez-vous avec les lectrices.teurs et potentiels électrices.teurs s’enchaînent partout en France. Des rencontres souvent réussies, il faut le souligner. Considéré comme Jacobin, il parvient même à séduire le Pays basque et la Corse. A Nantes une équipée sauvage d’Extrême gauche est toutefois présente pour l’empêcher de tenir la réunion, mais en vain.
Mais le premier accroc serieux des opérations survient dans la cité phocéenne, le weekend dernier. Seconde ville de France, Marseille est venue secouer la lune de miel d’Éric Zemmour et ses soutiens. Alors que le quotidien La Provence laisse fuiter le programme du journaliste malgré l’embargo, l’extrême gauche s’en saisit et prépare un comité d’accueil gratiné à la gare Saint-Charles. L’équipe Z doit s’adapter et descendre du train une gare avant le terminus, c’est-à-dire Aix-en-Provence. La visite de certains quartiers de la ville est également perturbée. Les antifas, en petit nombre, ont décidé de prendre l’air. L’opération est écourtée, voire entachée. Et si la propension de la gauche extrême à vouloir bâillonner ses adversaires est condamnable, l’impréparation de la visite est aussi dans le viseur. Pourquoi organiser une déambulation dans un repère de l’extrême gauche alors que d’autres zones de la ville auraient été plus paisibles ? Un raté qui a vraisemblablement agacé Éric Zemmour. Cerise sur le gâteau, le doigt d’honneur d’une marseillaise sympathisante de La France Insoumise qui a su déjoué la sécurité. Un geste auquel Éric Zemmour a répondu par l’appareil. Une attitude inélégante de l’aveu même de l’intéressé même si ce dernier a également confessé un certain énervement provoqué par le déroulement houleux de toute la visite, qui sera la dernière avant l’annonce officielle de sa candidature.
Sans surprise, le point d’orgue est utilisé par Gilles Bouleau dans son interview somme toute piètre et à charge au 20h de TF1 mardi soir : « ce doigt pointé vers la coriace marseillaise pourrait-il vraiment être le doigt qui appuie sur le feu nucléaire », on croit rêver. L’objectif ? Présenter Éric Zemmour comme une personne incontrôlable. Une lecture qui pourra désormais être augmentée d’un « connard » à l’attention de Gilles Bouleau à la sortie des studios par l’ex-polémiste hors de lui après ce rendez-vous manqué. Pas une question sur le programme du candidat, mais une exhumation de livres parus depuis plusieurs années sur lesquels tous les journalistes mièvres ou pleutres se sont épanchés ces dernières semaines.
On l’a compris, si la mue a pu se faire dans l’esprit d’Éric Zemmour, pas sûr qu’elle est opérée dans la profession la plus détestée des Français. La campagne s’annonce donc étonnante et drolatique finalement et chaque attaque de ce type permettra à Éric Zemmour d’asseoir la position anti-système que beaucoup de Français – ils sont nombreux – souhaitent tant. Il reste à savoir si cela permettra au jeune candidat de remonter dans les sondages qui le crédite désormais de treize points, six derrière Marine Le Pen.