En collaboration avec les Archives Yves Klein, l’exposition présente une soixantaine d’œuvres du grand artiste niçois sous un angle inédit.

En regard du caractère public de l’œuvre de l’artiste, volontairement spectaculaire, voire mythique, l’exposition Yves Klein, intime, à l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence explore sa dimension personnelle et intime qui lui est complémentaire. Depuis sa disparition prématurée en 1962, à 34 ans, la reconnaissance internationale de son œuvre n’a jamais cessé de grandir. Le bleu lumineux et profond qu’il a fait breveter, le fameux International Klein Blue (IKB), est connu bien au-delà du cercle des amateurs d’art.
En revenant sur les origines familiales de l’artiste et son cercle d’amis, sur son lieu de travail et sa relation avec ses modèles, l’exposition souhaite ainsi mettre en valeur les conditions matérielles de son travail, les réflexions intellectuelles de l’artiste, sa dimension spirituelle, ainsi que l’humour souvent sous-jacent au sérieux de sa démarche.
Fils de Marie Raymond, artiste abstraite, et de Fred Klein, peintre figuratif, Yves Klein n’avait initialement pas envisagé de faire une carrière artistique. Après un parcours scolaire accidenté, Klein échoue au baccalauréat, mettant ainsi un terme à son espoir de devenir officier de marine. Commencent alors pour lui d’autres aventures qui complètent sa formation et l’amènent vers les chemins de la création.

À Nice, avec ses amis Claude Pascal et Armand Fernandez (le futur Arman), il partage sa passion pour le judo. Cette pratique, qu’il n’abandonne qu’en 1960, lui donne une discipline et lui permet de structurer son caractère, tout en accompagnant ses réflexions philosophiques et spirituelles.
En 1955, les premières œuvres qu’il décide de présenter au public sont des peintures d’une seule couleur, unie. Baptisées un an plus tard « propositions monochromes », elles échappent à la définition même de « tableau » et ne relèvent ni de l’art figuratif ni de l’art abstrait – ces deux tendances qui, représentées respectivement par ses deux parents, cristallisent aussi la scène de l’art français dans les années 1950. Ainsi, comme beaucoup de jeunes gens, c’est loin des sentiers battus et en dehors des codes convenus que le jeune artiste cherche sa voie…
L’artiste se tourne vers une monochromie d’autant plus radicale, allant jusqu’à supprimer sa signature visible au recto de ses tableaux.
Bien plus que de simples surfaces à regarder, les monochromes de Klein se veulent des foyers rayonnants d’une couleur pure capable d’envahir l’espace pour atteindre le spectateur. Pour accentuer cette expérience contemplative, dès 1956, Klein jette son dévolu sur le bleu, couleur la plus aérienne et transcendante qui soit. Un nouveau médium fixatif qu’il élabore avec l’aide de son marchand de couleurs lui permet de sauvegarder l’éclat propre au pigment pur et d’intensifier la présence de cette couleur irradiante. L’IKB (International Klein Blue) est aussi créé, et sa formule sera déposée à l’Institut national de la propriété intellectuelle en 1960.
Inscrit dans la tradition chrétienne, Yves Klein s’est penché dès le début de son œuvre sur ce qu’il a souvent nommé « la chair », qu’il songe à rendre sinon visible, du moins perceptible, dans son œuvre, par ailleurs empreinte de spiritualité. Quelle que soit la nature de sa foi et la sincérité de l’artiste, lorsqu’il se décrit comme « un Occidental, un chrétien bienpensant », des sentiments profonds et personnels fondent incontestablement « [sa] religion de l’absolu monochrome ».
Avec une clairvoyance qui dépasse la différence évidente entre sa démarche créative et celles de ses amis, Klein a pris fait et cause pour le principe même d’une collaboration entre artistes : « les artistes qui peuvent créer en commun sont ceux qui travaillent avec le cœur et la tête », dit-il, persuadé que « l’immortalité se conquiert en commun ».
Le Nouveau Réalisme, dont la création a été entérinée à son domicile, a connu un destin plus chaotique, Klein ne goûtant sans doute guère aux contraintes que la notion de groupe implique. Ceci ne retire rien au fait qu’il sût être pour beaucoup, ainsi que le notait Jean Tinguely, « un super bon camarade ». Souffrant d’un cœur fragile, il ne tient guère compte des premières alertes qui annoncent son décès prématuré en 1962 des suites d’une crise cardiaque. Création et destruction s’entrelacent alors dans une danse à haut risque, dont l’artiste fixe des moments, les transmue en œuvres.
Alors qu’il s’empare du feu dans des œuvres réalisées à l’occasion de l’exposition à Krefeld, il paraît littéralement brûler sa vie.
« Yves Klein, intime » à l’Hôtel de Caumont, 3 Rue Joseph Cabassol 13100 Aix-en-Provence. Ouvert jusqu’au 26 mars, tous les jours de 10h à 18h. t/ 04 42 20 70 01. Tarif plein : 14,5 €, tarif réduit 11,5 €. Exposition réalisée en collaboration avec les Archives Klein. Plus de renseignements ici