Plusieurs questions taraudent les esprits depuis la fusillade meurtrière de vendredi, qui a frappé de plein fouet la vie de trois Kurdes et en a blessé trois autres. William Malet est-il un tueur raciste ? Un fou « rongé » par les Turcs ? Ou un pauvre type ayant pété les plombs ? [Éléments de réponse]

Beaucoup de choses ont été dites sur la fusillade de la rue d’Enghien à Paris. Connaît-on toute la vérité sur cette affaire ? Cinq jours après l’événement tragique qui a coûté la vie a trois personnes, nous en savons davantage sur le seul et unique suspect : William Malet. L’homme de 69 ans ne serait rien d’autre qu’un Français lambda. Retraités de la SNCF depuis vingt ans, homme solitaire sans enfants, il se présente comme un célibataire endurci à qui on ne prête aucune relation sentimentale. Une misère affective qui ne l’empêche pas de vivre, ni de travailler en qualité de conducteur de TGV.
C’est un type ordinaire. Un homme né d’aucune descendance turque, ni influencé par la communauté turque. Sa mère écarte d’ailleurs cette hypothèse presque fumeuse; une rumeur agitée par un pan de la communauté kurde, bien trop politisée par l’influence du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Si le contexte politique et social entre la Turquie et le PKK est explosif, rien n’est pire que de voir tomber trois de ses camarades pour une prétendue vengeance meurtrière. Un acte ignoble, incompréhensible. Une sorte de hasard macabre qui ne cadre pas avec l’engagement juste mais parfois radical des Kurdes.
Lors de la perquisition, vendredi soir, quelques heures après le drame, les parents du nonagénaire ont formulé un dernier au revoir à leur fils, abasourdis par les faits. Entouré de policiers, William Malet, le visage tuméfié, leur aurait avoué qu’il n’avait là que ce qu’il méritait. Le criminel a expliqué avoir prévu de se suicider après sa sortie meurtrière, dont l’objectif était, selon lui, de s’en prendre à des étrangers extra-européens et non des Kurdes. Il n’aura pas eu le temps ou le courage de mettre fin à ses jours.
L’homme, connu des services de police, était sorti de la prison de la Santé, le 12 décembre dernier. Libéré sous contrôle judiciaire, après un an de détention provisoire, il avait attaqué, muni d’un sabre, deux clandestins dans le 12e arrondissement de Paris. Une affaire qui aurait déjà dû alerter les autorités sur une possible dérive psychologique. En tout cas, ses parents, le voyaient transformé par l’univers carcéral, avec ce sentiment d’injustice prégnant.
Il aurait, en effet, été marqué par un cambriolage survenu à son domicile en 2016. Trois hommes s’étaient introduits chez lui, dans sa maison à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis). Au moment des faits, il s’était défendu blessant alors gravement deux des trois voleurs au cou et à la tête. Mais ce qui s’apparente à un délit mineur prend une autre tournure. Quand la police arrive sur les lieux, elle découvre chez l’ancien parachutiste – l’homme a servi durant son service militaire-, un véritable arsenal d’armes pour lesquelles il ne détient aucun permis. William Mallet est alors arrêté pour détention d’armes sans autorisation légale. De là, naîtra chez lui un dégoût de la société, un racisme larvé clairement affiché ensuite.
Selon sa mère, c’est à ce moment précis que le comportement de son fils change. Toujours selon elle, l’attaque contre les étrangers de vendredi dernier est liée à cette histoire passée qui a provoqué un désir de vengeance irrationnelle et disproportionnée; à plus forte raison que ledit cambriolage a eu une suite récente. Les deux cambrioleurs blessés ont décidé d’attaquer William Malet au civil pour lui réclamer 30 000 € de dommages et intérêts chacun. De son côté, son père énonce qu’il n’a jamais accepté d’être poursuivi pour ces violences, alors qu’il répondait à l’intrusion de trois hommes chez lui comme de la légitime défense.
Mauvais jours pour Malet ? La veille de la fusillade, il apprend aussi la mort de quatre de ses camarades lorsqu’il était en détention. Une information qui le terrasse et le rend encore plus taciturne que de coutume. Mais de là a justifié un acte criminel, est-ce bien normal ?
Si William Mallet n’avait pas vrillé, il serait sans doute resté un pauvre type esseulé, ignoré de la Justice. Une Justice issu d’un État asthmatique ou laxiste ? D’un État qui, potentiellement, oublie de protéger ses citoyens que la vie rend parfois fous ? Cette fusillade glaçante révèle la déroute meurtrière d’un homme aigri, fatigué de son existence comme beaucoup d’hommes de toutes conditions sociales peuvent l’être, d’un miroir de valeurs devenu opaque, transformant ainsi un type lambda en tueur d’innocents.