Elle est japonaise, il est argentin, et ils se sont rencontrés… en France ! Rien de plus normal pour Chiho Kanzaki et Marcelo di Giacomo, couple atypique à la ville comme en cuisine.

Tous deux le pensent, la passion de la cuisine naît dans l’enfance. Chiho la tient de son père boucher, qui cuisinait fort bien ; Marcelo d’avoir observé les femmes de sa famille, omnipotentes devant les fourneaux. L’un et l’autre le savaient. Un jour ou l’autre, ils seraient cuisiniers.
Du Japon à la France, un âpre combat
Lorsqu’elle arrive en France à 20 ans, Chiho parle peu la langue de Molière et se sent perdue parmi ces garçons beaucoup plus forts qu’elle, qui squattent les cuisines en qualité de stagiaire. Quant aux Japonais déjà implantés dans les cuisines, ils sont plus âgés et connaissent tout de la technique. Peu importe, elle sera cheffe ! Elle repart apprendre au Japon:
La cuisine française était une évidence, parce qu’il y a plus d’opportunités pour une femme ici qu’au Japon.
Elle reviendra chez nous mieux armée, car elle sait qu’une femme doit se battre plus qu’un homme pour réussir. Après Lucas Carton et Jean-Paul Jeunet, elle rencontre Mauro Colagreco, l’homme qui bouleversera sa vie:
Peu importe que vous soyez homme ou femme, peu importe votre nationalité, il vous donne une chance, raconte émue Chiho. J’ai commencé commis et je suis passée par tous les postes, jusqu’à chef de cuisine. En plus, il est soucieux du bien-être de tous. Quand j’étais à la viande, j’étais trop petite pour la cuisson à la salamandre: il a fait des travaux pour la mettre à ma taille. Personne n’a jamais fait ça, cela m’a énormément touché.
De l’Argentine à la France, un choix réfléchi
Tout était fait maison, dans la famille. Je me souviens des tomates que l’on mettait en conserve, des confitures… Tout jeune j’ai adoré cuisiner.
Mon premier cochon de lait entier de 20 kg, je l’ai cuisiné à 14 ans. A 6 h du matin j’ai préparé le feu et je l’ai fait cuire 6 h durant. J’étais très stressé, mais si on peut faire ça à 14 ans…
A 15 ans, en plus de mes études, je prenais des cours de cuisine.
Gamin, pour aider son père -parce que la crise fait rage, qu’il a perdu son travail et qu’il faut bien faire manger la famille-, Marcelo vend des melons et des ananas dans la rue. Il va quand même à l’université, en archi’. Mais pendant ses vacances, il travaille dans un hôtel 5 étoiles près de Buenos Aires. Jusqu’à ce qu’il décide que, décidément, ce sera la cuisine, d’abord chez un chef français, Jean-Paul Bondoux, avec qui il a beaucoup appris. À 27 ans, après un long voyage à travers le monde, il décide de poser ses bagages. La directrice de stage de son ancienne école lui donne un nom: Mauro Colagreco. Échange de mails et chose rare, c’est Mauro lui-même qui répond. Rendez-vous pris à Buenos Aires et en 2009, Marcelo arrive au Mirazur. Il y restera jusqu’en 2014:
Mauro, c’est la famille.
Mauro Colagreco sera donc à la fois leur mentor et leur Cupidon. Chiho et Marcelo ne se quitteront plus et ouvrent bientôt en 2016 un premier Virtus, rue Crozatier à Paris, avant de s’installer rue de Cotte. Leur cuisine emplie de rigueur toute japonaise est matinée de folie latine. Et à la maison ? C’est Marcelo qui cuisine.
Recettes fétiches
Chiho raconte:
Chez Jean-Paul Jeunet, l’équipe entièrement française venait de grandes maisons. J’étais responsable du personnel, je les nourrissais, et il n’aimaient pas du tout ma cuisine. Une collègue m’a appris à faire la blanquette et ils ont adoré. Une blanquette très classique, comme à la maison, avec carottes, farine, crème… Parce que si on ne mange pas bien, on ne travaille pas bien, et que si je ne suis pas crédible auprès de mes collègues, je ne le suis pas vis à vis du client.
Marcelo, lui:
J’adorais la compote de pommes aux abricots secs de ma grand-mère et encore plus sa confiture de courge, une courge musquée coupée en gros morceaux, additionnée de sucre et de vanille. Après un temps de repos nécessaire pour que le sucre fonde, elle la faisait longuement mijoter. Avec la louche en bois qu’elle avait apportée d’Italie, tout comme la louche pour les spaghettis ! Je ne fais plus cette recette, mais je travaille beaucoup les légumes en dessert.
Virtus, 29 rue de Cotte, Paris (XIIe) – t/ 09 80 68 08 08 – Ouvert du mardi au samedi, au déjeuner et au dîner – Plus de renseignements ici – En savoir plus sur Mauro Colagreco, c’est par ici !