Déjà frappée par une sécheresse catastrophique, l’Espagne connaît cette semaine une vague de chaleur exceptionnelle. Cette situation pourrait-elle s’étendre à la France ?

Nos cousins espagnols connaissent actuellement un épisode de chaleur intense particulièrement précoce, lié à l’arrivée d’une masse d’air chaud et sec d’origine africaine. « C’est une vague de chaleur tout à fait exceptionnelle pour la saison sur le pays, avec des températures maximales qui vont dépasser les records », analyse ainsi François Jobar, météorologue chez Météo France. Le thermomètre est ainsi monté jeudi jusqu’à 32-34 degrés dans le sud du pays. À plus de 36 ou 37 degrés, des records ont été battus localement dans les provinces de Séville ou de Cordoue. « C’est une canicule complètement hors norme pour un mois d’avril », confirme le météorologue.
Cet épisode historique vient aggraver la sécheresse en cours dans le pays, qui connaît un printemps anormalement chaud et sec. En Catalogne, région la plus affectée, les autorités ont d’ores et déjà pris des arrêtés pour réduire l’usage de l’eau. « Il n’a pas suffisamment plu en hiver pour permettre la recharge des sols agricoles et des nappes phréatiques en Espagne », explique Serge Zaka, docteur et conférencier en agroclimatologie. « La situation est extrêmement tendue. Sur les 40 premiers centimètres du sol, l’indice hydrique est de 0%. Il n’y a plus d’eau disponible. Sur le premier mètre, dans certaines localités d’Espagne, il est de 1%… »
Des « dommages irréversibles » pour les cultures
Ce manque d’eau met en péril le secteur agricole, pilier de l’économie espagnole. D’après le Coag, principal syndicat d’agriculteurs, 60% des terres agricoles sont actuellement « asphyxiées » par le manque de précipitations. Des « dommages irréversibles » ont été causés à plus de 3,5 millions d’hectares de céréales. « Soit l’équivalent de la surface agricole de l’Occitanie. Et l’on s’attend à ce que la production de céréales diminue largement de la moitié, ce qui est énorme ».
Mais faut-il s’inquiéter pour la France ? « Si les températures vont également nettement augmenter en France, notamment dans le sud, nous devrions rester sous la barre des 30°C », assure François Jobar. Cependant, les départements du pourtour méditerranéen connaissent aussi une sécheresse des sols très marquée. Depuis plusieurs semaines, la situation est en effet critique dans les Pyrénées-Orientales. L’Aude est également particulièrement impactée. « L’indice d’humidité des sols est voisin des niveaux moyens estivaux. Ce qui résulte d’une sécheresse météorologique, c’est-à-dire d’un déficit de pluie qui dure depuis pratiquement un an, même plusieurs années », poursuit le spécialiste.
En Espagne, 75% du territoire en voie de désertification
« Ainsi, s’il ne repleut pas de manière conséquente dans ces deux départements d’ici mai/juin, nous serons exactement dans la même situation qu’en Espagne », déplore Serge Zaka, alors que dans les semaines à venir, la sécheresse pourrait s’étendre à tout l’arc méditerranéen, surtout la basse Vallée du Rhône, et du côté des Alpes Maritimes.
Et les choses ne devraient pas aller en s’améliorant. « Cette année exceptionnelle va devenir de plus en plus fréquente, même la norme, d’ici la fin du siècle », affirme Serge Zaka. Selon l’ONU, 75% du territoire espagnol, en première ligne face au réchauffement climatique, est en voie de désertification. « En général, dans un climat aride, il tombe moins de 200 millimètres de pluie par an. À Leucate, dans l’Aude, il est tombé 120 millimètres sur un an glissant. À Perpignan, 198. Et dans certaines localités espagnoles, moins de 100 millimètres. Dans le rapport du Giec, il est clairement indiqué que l’Espagne, et qu’une partie du sud de la France dans une seconde mesure, seront concernés par ces phénomènes ». « En France, cette sécheresse pourrait même, dans les décennies à venir, toucher des régions plus au nord », enchérit François Jobar.