En déplacement au Parlement européen, Emmanuel Macron s’est confronté à une hostilité protéiforme. Il l’aura cherché.
« Climat, climat, Macron coupable !! Le chemin de croix a démarré dans la semaine, dès mercredi. A son entrée dans l’enceinte du Parlement européen à Strasbourg, le président Emmanuel Macron était en déplacement pour présenter la présidence française de l’Union européenne. Du personnel ou des élus ont ainsi manifesté leur mécontentement sur ce qu’ils estiment être « les lacunes écologiques » du président français. Une première critique qui sera suivie d’autres blâmes, une fois entré dans l’hémicycle. Les représentants des principales sensibilités politiques françaises, présentes au Parlement, ont égratigné le président dans leur prise de parole, toutes excédées par cinq années de suffisance. Yannick Jadot candidat Europe Écologie-Les Verts (EELV) à l’élection présidentielle y ait allé de sa volée de bois vert :
[…] reporter, renoncer, fantasmer sur des solutions dans 10, 15 ou 20 ans, plutôt que de décréter comme nous voulons le faire, la mobilisation générale. Nous avons une divergence de fond sur l’Europe que nous voulons.
Notre Europe ne sera jamais la vôtre. Celle du renoncement climatique celle du glyphosate, de la circulation sans entrave des biens, des services et de la finance, mais des murs, des barbelés et des miradors et les humiliations pour les femmes et les hommes.
Un discours catastrophiste et musclé qui sera suivi des lubies habituelles des Verts français sur l’immigration, mais qui met surtout à mal le président de la République sur son hémisphère gauche dont il aura besoin dans quelques semaines.
Pour le Rassemblement national (RN), Jordan Bardella a aussi présenté une divergence précise sur la vision de l’Europe :
[…] Monsieur le Président de la République, votre Europe a 60 ans, la nôtre en a 3 000. Votre projet politique a pour but d’effacer les nations d’Europe, le nôtre de les sauver. Il faut déconstruire l’histoire de France, aviez-vous déclaré.
On comprend donc votre enthousiasme de vous retrouver aujourd’hui à la tête d’une institution qui s’est donnée pour objectif la dissolution de l’Europe millénaire.
S’en est suivi un ensemble de critiques plus ciblées sur les abandons présidentiels lors du quinquennat : Abandon d’Alstom – dont Jérôme Pécresse, époux de la candidate à la présidentielle Valérie Pécresse (LR), n’est pas innocent ; abandon de la souveraineté aussi. L’insoumise Manon Aubry, dans un lyrisme surjoué a, elle, dénoncé la politique des slogans du président Macron : « Relance, puissance, appartenance. Mais en réalité votre bilan européen n’est qu’arrogance, puissance et manigance.» Dans un registre plus mesuré mais docile, François-Xavier Bellamy (LR) s’est montré très sceptique quant à la présidence d’Emmanuel Macron :
[…] Monsieur le président de la République, vous venez ouvrir cette présidence avec de grandes promesses, mais il faut vous dire la vérité, personne ici n’y croit vraiment.
Non seulement parce que le calendrier que vous avez cautionné servira plus votre campagne présidentielle que l’action européenne, surtout parce que vous vous êtes tellement contredit, vous avez tellement joué en détournant jusqu’au sens des mots les plus importants. Vous avez, pardon de le dire, souvent menti.
Oui, le président menteur voire farceur et cynique se sert des moyens de l’Union Européenne pour sa propre campagne nationale. Nous évoquons ce second élément depuis plusieurs mois déjà et il semble que ce constat soit indéniable. Parti en pré-campagne à Strasbourg, Macron prépare une campagne éclair. Dans son discours, il a pris le contre-pied de ses détracteurs français de gauche, formulant des vœux environnementaux et sociétaux… pour le moins ridicules :
[…] 20 ans après la proclamation de notre Charte des droits fondamentaux qui a consacré notamment l’abolition de la peine de mort partout dans l’Union, je souhaite que nous puissions actualiser cette Charte notamment pour être plus explicite sur la protection de l’environnement ou la reconnaissance du droit à l’avortement.
Des engagements qui revêtent une dimension essentiellement symbolique et qui relèvent du caprice d’un enfant fragile aussi, mais qui sont un pied de nez irréfléchi à la nouvelle présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, dont la presse française a découvert avec qu’elle était contre l’avortement ! Commencer la présidence française en s’attaquant à la présidente de l’institution qui vous accueille est assez grossier, pour ne pas dire vulgaire, mais cet affront semble surtout s’inscrire dans une volonté de rassurer la gauche française dans la perspective d’un second tour qui devrait s’organiser… sans elle.
Une campagne européenne à la sauce Macron dont presque tout le monde se fiche, qui ne commence pas sous les meilleurs auspices pour le pseudo-candidat. Mal aimé par les élus français au Parlement européen, le président sortant aura aussi supporté les critiques du chef du Parti populaire européen (PPE), le bavarois Manfred Weber, qui a dénoncé un président français parlant beaucoup mais ne faisant pas grand-chose. Et d’embrayer sur une critique en règle d’Emmanuel Macron qui renforce le clivage entre populistes et progressistes, finissant même par souhaiter qu’il soit remplacé en France par Valérie Pécresse, à l’occasion de la prochaine élection présidentielle.
Pour compléter le tableau, plusieurs de nos confrères européens ont quitté la conférence de presse du président français, qui a tout simplement refusé de répondre aux questions, préférant un monologue de quatre minutes. Une présidence française qui démarre difficilement de façon vraiment déplorable.