La semaine dernière le chef de l’État a donné une conférence de presse pour annoncer ses priorités quant à sa future présidence de l’Union européenne. L’occasion de faire un peu plus campagne pour la présidentielle française, mais sans le dire.
C’est un président en campagne permanente que s’offre Emmanuel Macron. En effet, en milieu de semaine dernière, le président sortant tenait une conférence de presse afin de développer ses priorités pour l’Union européenne (UE). Celui qui sera président de l’UE à compter du 1er janvier 2022 bénéficie d’un effet d’aubaine formidable à seulement quatre mois de l’élection présidentielle. Il aura à la fois les moyens de la présidence de la République et « en même temps » ceux de l’Union européenne en pleine période électorale ; une double casquette qui soulève de sérieuses questions éthiques mais qui ne semble pas vraiment le contrarier.
Invité régulièrement par ses concurrents à se déclarer, Macron fait la sourde oreille alors même que son camp s’active à préparer sa campagne, que les premiers tracts en forme d’éloge de son bilan sont déjà distribués et que le rassemblement avec Édouard Philippe et François Bayrou est largement dessiné. Un secret de polichinelle pour un président pueril qui se dirige tout droit vers une campagne éclair. D’ici l’annonce de sa candidature – s’il y en a une – Macron est clairement en campagne et sa conférence de presse de jeudi dernier s’inscrit dans cette démarche. Le président a soupé son auditoire avec un petit plan en trois parties, elles-mêmes subdivisées en quatre sous parties, histoire de permettre aux petites gens de comprendre sa pensée tordue.
Défendant une Europe plus humaine et un combat continental contre le chômage, il a égrainé des propositions gadgets à l’image du service civique européen pour les moins de 25 ans; un service qui devrait tout de même durer six mois. Pour se donner un vernis social, il a même proposé un salaire minimum européen, ce qui n’est pas une nouveauté puisqu’une directive européenne va déjà dans ce sens et aucune harmonisation en la matière n’est possible. Le salaire minimum Letton où Romain est bien loin de celui pratiqué en France. Macron qui n’est pas parvenu à faire le choc de simplification qu’avait évoqué son prédécesseur souhaite voir naître une Europe plus simple. Une manière d’essayer au niveau continental ce qu’il n’a jamais réalisé au niveau national.
Le tableau n’aurait pas été complet sans un zeste d’écologie ; l’occasion de remettre les frontières au goût du jour. Celui qui se veut champion de l’Europe en mode « Bruxelles mon amour » – n’est pas champion qui veut – va donc organiser des conférences et des rencontres partout en France dans une campagne à peine déguisée. Au programme également un sommet entre l’Union africaine et l’UE les 17 et 18 février 2022 à Bruxelles. De quoi séduire un segment électoral qu’il n’entend pas abandonner aux divagations indigénistes de Jean-Luc Mélenchon. Dans un autre domaine, il a également évoqué le racisme, l’antisémitisme et le révisionnisme – des idéologies qui frôlent l’anévrisme, non ?- qui s’installeraient dangereusement en Europe (bouuh… NdlR) Comprenons plutôt un révisionnisme qui correspond ni plus ni moins aux Français qui n’ont pas la même lecture de l’histoire que lui. Enfin, c’est aussi un clin d’œil facile à son solide concurrent Éric Zemmour; une posture qui trahit clairement son obsession pour 2022.
Après ses élucubrations de jeudi, le président avait rendez-vous le lendemain avec le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz, en apparence sensible à l’intégration européenne. Le chancelier démocrate pourrait s’avérer un bon allié pour Macron, car si la présidence française de l’UE est une opportunité, elle peut aussi être un danger. Ainsi l’arrogance de l’actuel chef de l’Etat pourrait pousser ses partenaires à plomber sa présidence. Mais en s’attirant la sympathie du nouvel homme fort de Berlin, le président sortant se préserve un peu de ce risque.
Il reste à voir comment agira Olaf Scholz. Sa prédécesseure Angela Merkel, redoutable en négociation, avait, elle, bien su domestiquer le petit président français. Le double président en campagne se trouve donc sur tous les fronts et bénéficie de moyens colossaux pour assurer sa communication sans être gêné par les règles de temps de parole, ni embêté par les frais de campagne. Ce n’est pas cher, c’est l’État et Bruxelles qui paient. Un nouveau scandale qui ne dit pas son nom. Mis à part une offensive commune de tous les candidats pour le sommet de se déclarer en campagne, Macron devrait une nouvelle fois s’en tirer à bon compte. Seule chose, la roue de l’histoire tourne vite ou lentement, mais sans répit.