En mars 2024, une étude publiée par The Lancet a tiré la sonnette d’alarme. En 30 ans, l’obésité a doublé chez les adultes et quadruplé chez les enfants. Avec plus d’un milliard de personnes désormais obèses dans le monde, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie ce fléau de véritable « épidémie nutritionnelle ».
Nous pensions atteindre ce chiffre en 2030, mais il est arrivé bien plus vite », déplore Francesco Branca, directeur du département nutrition à l’OMS. Le constat est sans appel. Un mode de vie sédentaire, une consommation accrue d’aliments ultra-transformés et un marketing agressif ont bouleversé les habitudes alimentaires mondiales, notamment dans les pays en développement.
L’obésité illustre une double crise. Celle d’un excès mal maîtrisé et d’une transition alimentaire délétère. Dans certains foyers, on observe un paradoxe frappant. Un enfant souffrant de sous-nutrition peut devenir obèse en quelques années, conséquence d’une « bascule vers des denrées commerciales hypercaloriques », expliquent les chercheurs.
Des régions comme la Polynésie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord affichent les taux d’obésité les plus élevés, mais les pays occidentaux ne sont pas en reste. En Chine, où plus de la moitié des adultes sont désormais en surpoids, la transition vers une alimentation industrialisée, accompagnée d’une augmentation des revenus, a eu des effets dévastateurs. « L’obésité est une maladie de l’occidentalisation des modes de vie », souligne Olivier Ziegler, professeur au CHU de Nancy, dans les colonnes du Monde.
Des réponses radicales, mais controversées
Face à l’urgence, certains pays expérimentent des solutions radicales. En Chine, des camps d’amaigrissement se multiplient. Ces centres, où l’on impose une discipline stricte mêlant régime hypocalorique et exercices physiques, sont devenus un marché lucratif. « Si les participants viennent ici, c’est qu’ils n’arrivent pas à contrôler leur régime à l’extérieur », justifie une entraîneuse d’un de ces centres.
Mais cette approche punitive soulève des questions éthiques. Peut-on véritablement régler un problème systémique par des solutions individualistes et coercitives ?
Entre innovations médicales et mesures insuffisantes
En France, où les taux d’obésité se stabilisent mais restent marqués par de fortes disparités sociales, l’heure est aux innovations médicales. Le Wegovy, un nouveau médicament qui imite une hormone de satiété, vient d’être introduit sur le marché. Cependant, cette réponse pharmacologique s’attaque aux symptômes plus qu’aux causes profondes du problème.
Les politiques publiques peinent à tenir tête aux géants de l’industrie agroalimentaire, dont l’influence limite la portée des initiatives comme l’étiquetage nutritionnel ou l’amélioration des repas scolaires.
Repenser l’alimentation globale
L’OMS rappelle que l’obésité est intrinsèquement liée à des choix politiques. Les pays d’Amérique latine qui taxent les aliments ultra-transformés ou interdisent les publicités pour les produits néfastes montrent que des alternatives existent.
Au-delà des solutions isolées, une véritable transformation systémique est nécessaire. Cela implique une régulation stricte des lobbies agroalimentaires, une éducation nutritionnelle accessible à tous, et une promotion active de régimes alimentaires sains et durables.