Un drame social français, les dérives d’une «maman louve» dépassée par son rôle, une odyssée maternelle à l’italienne. Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection cinéma.
Un autre monde, drame de Stéphane Brizé (1h36) – Plan social, on dit comme ça. Traduction: il faut virer 58 personnes. Le responsable du site ne s’y résout pas. Il y a sûrement une autre solution. Avec Un autre monde, Stéphane Brizé boucle sa trilogie du travail. Après le chômeur et le syndicaliste (La Loi du marché et En guerre ), voici le cadre au bout du rouleau. Le film est moins documentaire que les deux précédents. La fiction apporte son lot d’intimité. Sandrine Kiberlain est cette épouse dévastée de fatigue et de solitude. Lindon évoque le Montand de Vincent, François, Paul et les autres… Stéphane Brizé continue à filer son chemin, entre Sautet et Ken Loach. Il plonge sa caméra dans les failles de notre monde, ne s’interdit pas un vague espoir. Le générique du début s’affiche sur un panoramique des photos de famille sur les murs de la maison. Ils souriaient. Ils étaient heureux. Mais, ça, c’était avant.
La Vraie famille, drame de Fabien Gorgeart (1h42) – Après Diane a les épaules, en 2017, le réalisateur poursuit l’exploration de la cellule familiale. Il met en scène un garçon de 6 ans placé dans une famille d’accueil à 18 mois, mais qui va devoir quitter Anna, sa mère de substitution (Mélanie Thierry, incandescente) pour vivre avec son père biologique (Félix Moati). Si elle donne d’abord le change, Anna supporte mal cette déchirante séparation. Les services sociaux l’avaient prévenue: «Aimez cet enfant, mais ne l’aimez pas trop.» La douleur est dans les deux camps. Gorgeart, qui raconte un peu l’histoire de sa famille, filme avec pudeur les dérives d’une «maman louve» dépassée par son rôle. Tendu, chaleureux, traité comme un polar dès lors qu’Anna refuse de se séparer de l’enfant, le film touche juste, sans jamais frôler le mélo.
Piccolo corpo, drame historique de Laura Samani (1h29) – Une cérémonie emmène des femmes en haillons dans l’eau, au rythme de chants râpeux en l’honneur de la Vierge. Au milieu d’elles se trouve une femme enceinte. On ne sait rien d’Agata sinon qu’elle est belle, le visage barré par des sourcils noirs. Plus tard, son enfant meurt sans avoir eu le temps de respirer. Pas baptisé, donc. Les limbes l’attendent pour l’éternité. Incarnée par Celeste Cescutti (prénom qui aurait d’ailleurs joliment convenu au personnage), Agata n’en croit rien, remonte sa longue jupe de bure et grimpe dans la montagne. Si le voyage d’Agata fascine, l’arrivée à destination laisse perplexe. Il manque un peu de mystère, de cette bizarrerie qui traverse tout le film et qu’on espérait éclatante à la fin. Qu’importe, une cinéaste est née. Notons aussi cette chose réjouissante : elle ne pourra pas faire plus déprimant à l’avenir…