La vengeance sanglante d’un jeune prince viking, un fait divers qui endeuilla l’Australie, un Robin des bois qui dérobe une toile de Goya à Londres… Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection cinéma.
The Northman, film d’action de Robert Eggers (2h17) – Robert Eggers situe l’action chez les Vikings au Xe siècle. Et ça déménage. Le jeune prince assiste impuissant à l’assassinat de son père par son oncle. Le gamin jurera de se venger. Pour cela, il devra partir en barque sur une mer déchaînée, coloniser des territoires lointains, se faire passer pour un esclave avant de revenir au pays natal. Vous suivez ? Sur l’écran, il y a de la boue et du sang, de la lave en fusion et de la sueur. Eggers ne donne pas dans le minimalisme. Bienvenue dans la mythologie. La distribution est à la hauteur. La reine Gudrun cache son jeu : c’est l’inaltérable Nicole Kidman, sur laquelle les années passent sans laisser une trace, mais c’est le rôle qui veut ça. Ethan Hawke meurt dès la première bobine. Willem Dafoe fait un exalté. Björk se transforme en voyante (sa tenue l’est déjà). Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la dame) promène son teint d’albâtre dans cet univers de sauvagerie.
Nitram, drame de Justin Kurzel (1h50) – Ça n’est rien de le dire. Il est, mettons, bizarre. Martin a des taches de rousseur, de longs cheveux filasse, un corps d’une pâleur étrange, presque translucide. Ses copains l’appellent Nitram, intervertissant les lettres de son nom. Visiblement, le garçon est à côté de la plaque. Il n’écoute rien. Les gens le qualifient de « lent ». Traduire : retardé. La famille est désemparée : le père, dilettante ou veule, semble dépassé par les événements. La mère est plus pète-sec. Elle fume cigarette sur cigarette, regarde l’adolescent s’enfoncer dans un univers dont elle n’a pas les clefs. Une sourde colère bouillonne en lui. Nitram provoquera par caprice un fatal accident de voiture. Avec Nitram, Justin Kurzel (Macbeth) retrace un fait divers qui a endeuillé l’Australie. Il décrit un déséquilibré emmuré dans sa solitude qu’un rien aurait peut-être suffi à sauver. L’étonnant Caleb Landry Jones prête sa silhouette mollassonne à ce pauvre héros. On ne racontera pas l’unique façon qu’il a trouvée pour effacer ces traces d’enfance qui éclairaient par instants son visage. Le film est vénéneux. Il bruisse d’une terrible évidence.
The Duke, comédie de Roger Michell (1h35) – Une histoire vraie qui a fini dans un James Bond. Le héros en est un Robin des Bois des années 1960, chauffeur de taxi sexagénaire aussi drôle qu’excentrique: Kempton Bunton incarné avec beaucoup de charme et d’espièglerie par un Jim Broadbent au sommet de sa forme. Issu de la classe ouvrière, cet excentrique retraité vit à Newcastle avec son épouse Dolly (excellente Helen Mirren). Dans le quartier, des camionnettes équipées de radars contrôlent les ménages qui possèdent un téléviseur, afin qu’ils s’acquittent de la redevance télé. Une intolérable injustice pour cet homme à l’altruisme chevillé au corps, qui s’emballe à la moindre inégalité de traitement. Un jour, la National Gallery de Londres a orchestré un battage du tonnerre autour du portrait du duc de Wellington peint par Goya, finalement acheté pour 140.000 livres sterling par la Couronne afin d’éviter que la toile ne parte aux mains d’étrangers. C’en est trop pour ce don Quichotte moderne. Mené avec panache et volubilité par le regretté Roger Michell (1956-2021), The Duke mélange avec un savoir-faire totalement british le cinéma social d’un Ken Loach avec l’irrésistible insouciance de la comédie anglaise.