Alors que l’épidémie de Covid-19 occupe l’essentiel de l’actualité en France, nous en oublions presque la menace terroriste toujours aussi présente. Lundi dernier, des experts travaillant sur les questions de radicalisation islamiste ont dressé un nouvel état des lieux en Europe. [Décryptage]
Le 22 mars 2016, Bruxelles avait été la cible de trois attaques terroristes au sein de l’aéroport et dans les couloirs du métro. Le bilan était lourd : 32 morts et 340 blessés. Cinq ans plus tard, l’Europe n’en a toujours pas fini avec la menace terroriste islamiste même si les attaques de masse sont moins nombreuses. C’est en tout cas ce qu’a tenté de rappeler le Think Tank European Leadership Network, en organisant au début de cette semaine un sommet européen permettant d’analyser la radicalisation islamiste et les menaces terroristes sur le vieux continent, avec l’aide de l’Institut Montaigne.
Après un an et demi de travaux détaillés ayant mobilisé cinq personnes, le normalien Hakim El Karoui, essayiste et consultant expert pour l’Institut Montaigne a dévoilé les résultats de sa dernière étude sur le profil des djihadistes. Pour étayer ses travaux, le dirigeant de Volentia (société de conseil stratégique) a notamment étudié les données ouvertes portant sur quelques 700 individus d’origine française, 300 Britanniques, 300 Belges et 200 Allemands. Les résultats pour le contingent Français se composent d’individus âgés de 25 ans environ, dont 20 % sont des femmes. Ils ont quasiment tous la nationalité française. 60 % d’entre eux sont issus de l’immigration maghrébine. On compte également 25 à 30 % de convertis, connaissances de quartiers ayant embrassé l’Islam radical. Douze communes regroupent 50 % de ces djihadistes et les trois-quarts d’entre eux sont issus de 48 villes françaises. Ainsi la typologie des djihadistes dans notre pays est assez simple à déterminer : ils sont jeunes, issus des quartiers défavorisés, socialement précaires et liés directement à l’immigration, c’est-à-dire ayant un questionnement identitaire direct.
Si jusqu’ici nos propos n’ont rien d’étonnant, la France compterait 300.000 à 400.000 individus, tous dotés de ce profil, dont 10.000 fichés S pour radicalisme religieux. Le topo est sensiblement le même en Allemagne et en Belgique et diffère quelque peu en Grande-Bretagne. Un risque intérieur qui pourrait causer une nouvelle vague de terrorisme islamiste dans les prochaines années à la faveur d’un salafisme rampant qui convaincrait les plus faibles.
Il serait dangereux de penser que la menace terroriste a diminué alors que le niveau de vigilance Vigipirate a été abaissé début mars, passant de l’urgence attentat à risque attentat. Au contraire, elle n’a pas du tout diminué mais elle a évolué. Les commandos téléguidés depuis des milliers de kilomètres ont laissé place à des fanatiques armés d’un couteau pour commettre leurs actes. La décapitation du professeur Samuel Patty le 16 octobre 2020 ou l’attaque à la basilique de Nice le 29 octobre étaient des attaques perpétrées par des individus isolés, déjà implantés en Europe et qui ont échappé – on se demande comment – à la surveillance des services de renseignement.
Finies les attaques de masse, tous ces individus passent désormais à l’action seuls, et dotés de moyens rudimentaires. Une évolution qui rend la détection plus compliquée puisqu’elle peut intervenir à tout moment sans préméditations. A cela s’ajoute le risque d’un retour des terroristes français ou étrangers dans notre pays. Depuis la chute du califat on estime entre 7.000 et 9.000 le nombre de combattants étrangers de Daesh en liberté. Parmi eux de nombreux francophones tunisiens, marocains et algériens pour qui la France demeure un véritable objet de rancœur et une cible de plus haute valeur que leur pays d’origine. Des revenants et des individus déjà présents en France, sans oublier l’inquiétude du milieu carcéral. En 2020 près de 100 détenus radicalisés ont retrouvé la liberté sur notre sol, et d’ici l’année prochaine 75 % des condamnés pour terrorisme auront purgé leur peine. « Le terrorisme nous tend un piège. Il veut nous pousser à la faute, et la faute, c’est la guerre, dit Dominique de Villepin