Quand les enfants partent de la maison, une page se tourne dans la vie des parents, tiraillés entre sentiments d’abandon et de libération. Une rupture qui peut être source d’une profonde angoisse, surtout chez les mères. C’est ce qu’on appelle le syndrome du nid vide.

Rentrer chez soi sans trouver la cuisine à feu et à sang ou la salle de bain inondée et jonchée de serviettes humides. Finis le stress des devoirs oubliés ou de la calculatrice qui manque le dimanche soir, les mines renfrognées au réveil – la semaine, en retard, et le dimanche, entre midi et 14 heures – sans parler des montagnes russes de Parcoursup…
Du jour au lendemain, ou presque, les enfants partent sous d’autres cieux, suivre des études et vivre des amours qui les mèneront sinon vers un bel avenir, au moins vers une liberté chérie, loin de leurs parents sympas, mais « relous ». L’enfance, puis l’adolescence, que les parents ont surveillées comme le lait sur le feu, sont passées lentement. D’ailleurs quel parent n’a pas eu hâte, de temps à autre, de retrouver un peu de quiétude loin de leurs progénitures.
Mais qu’est-ce qu’on fait désormais ? Il faut combler le manque affectif, retrouver un rythme dynamique au quotidien, et un nouvel élan pour demain. Environ 35 % des parents, en majorité des mères, souffrent d’un sentiment de vide lorsque les enfants quittent la maison. Cette tristesse, qui peut confiner à la dépression, porte un nom : le syndrome du nid vide. Cette image, éloquente, serait due à la romancière américaine Dorothy Canfield Fisher, qui l’utilisa pour la première fois en 1914. C’est donc pour dompter cette période de deuil de la vie de famille – anticiper les écueils et juguler les angoisses qu’elle génère ou ravive – que Charlotte Attry, Brigitte Carrère et l’illustratrice PrincessH, ont rédigé un opus de la collection Toi et moi, sur le sujet du syndrome du nid vide.
Lâcher prise, se faire confiance ?
Une fois que les enfants ont pris leur envol, ils échappent aux contrôles des parents : ce qu’ils mangent, comment ils gèrent leurs dépenses, leurs amitiés, leurs études… Vous n’avez qu’un droite de regard réduit. Inutile de scruter les meilleurs tarifs SNCF sur Internet « juste pour y faire un saut, ou voir comment il ou elle se débrouille » – il ou elle ne voudront de toute façon pas de vous dans le nouvel environnement qu’ils tentent de se bâtir seuls. C’est le principe de l’indépendance. Le syndrome du nid vide met en garde face à cette déroutante perte de mainmise lorsque vous ne voyez plus vivre votre enfant. L’air de rien, les ordres et le contrôle par des conseils et un regard bienveillant devient nécessaire. L’objectif étant de guider vos enfants sur la voie de l’autonomisation en jonglant entre soutien et capacité à s’éclipser.
Qui suis-je sans mes enfants ?
Elle a beau travailler, s’intéresser à une foule de choses, la disponibilité d’une mère au quotidien est largement monopolisée par le besoins de ses enfants. Une fois qu’elle n’a plus ces repères, la voilà face à elle-même, échouée sur le rivage d’une mer d’huile après un tourbillon de vingt ans.
Les parents ont besoin d’être guidé dans un processus de renouveau sans sombrer dans la déprime ou dans la procrastination, cerner les nouvelles priorités et les envies profondes, retrouver une hygiène de vie équilibrée avant de prendre un nouveau départ – surtout si le départ des enfants coïncide, pour les mères, avec la ménopause, autre bouleversement majeur dans la vie d’une femme.
Patricia explique comment elle s’est retrouvée « perdu » en se consacrant exclusivement à ses enfants, qu’elle « finissait par agacer » :
Je n’avais pas confiance en moi, après tant d’années au foyer, mais je me sentais en forme, jeune et avec un grand besoin de trouver une mission. Une amie qui travaillait dans un lycée m’a dit qu’ils cherchaient quelqu’un à l’accueil. J’ai sauté sur l’occasion.
Mon humeur s’est améliorée et mes satisfactions personnelles ont pris de l’ampleur. J’y suis restée dix ans, puis j’ai suivi une formation de Français langue étrangère, que j’enseigne maintenant… Je suis encore mère poule, mais je suis plus équilibrée et épanouie.
Le premier jour du reste de sa vie
Une fois surmontée la perte, le moment vient où il faut se concentrer sur ce que vous avez gagné avec le départ de vos enfants et d’aller de l’avant. Forte de la fierté de les avoir portés vers l’indépendance bonne an mal an, même si elle reste imparfaite, à vous de déployer vos ailes. C’est l’heure des nouveaux défis, professionnels ou personnels, qui peuvent passer par le bilan de compétences, le réaménagement ou le déménagement, une année sabbatique, la réactivation d’anciens contacts, l’accueil d’étudiants étrangers… Un seul mot d’ordre : sortir plus ou moins radicalement de sa zone de confort – et découvrir qu’avoir élevé des enfants vous a aussi enrichie. Adaptabilité, écoute, recul, endurance, anticipation – vous êtes désormais un tout-terrain.
Et puis en vous lançant dans de nouveaux projets, une ré-orientation professionnelle, vous sortirez grandie aux yeux de vos jeunes adultes. Derrière l’immuable pilier qui soutient toute la famille sans ciller, il y avait une femme audacieuse et sûre d’elle, et ils n’avaient rien vu… Trop forte la « daronne » !
Marie, à 51 ans, s’est vue quittée par son mari et ses trois enfants en quelques mois. Elle raconte comment elle a surmonté « la douleur à vif » après avoir pleuré toutes les larmes de son corps. « Mes solutions ? Vivre l’instant présent et faire des choix. Peu à peu, les envies émergent, la solitude n’effraie plus, j’éprouve un plaisir inhabituel à me sentir autonome. » Marie réalise alors des rêves difficiles à envisager en famille : « Je prends une année sabbatique, je pars loin, » se souvient-elle. Avec le recul, elle voit ces abandons comme « une épreuve qui m’a obligée à pousser mes propres résistances, à gagner en assurance, à découvrir le sens d’être libre. »
Une liberté dont il faut profiter, sans la vivre comme un abandon. Félicitez-vous de voir vont enfants devenir adultes, et épanouissez-vous sans attendre, car combien de temps vous reste-t-il avant que ne pointent… les petits-enfants (si tel est le cas).