Véritable institution en Italie, le festival de San Remo captive depuis 70 ans, les fans de variété. Il a débuté mardi et se déroule cette année sans public.
Certains le jugent suranné ou kitsch, mais le festival de la chanson italienne de Sanremo est avant tout une institution qui chaque année captive des millions de fans. Que ce soit pour ses mélodies grandiloquentes, ses polémiques ou les tenues frisant le mauvais goût de certains invités, le festival de cinq jours débutant mardi, retransmis en direct à la télévision, est devenu au fil des ans un passe-temps national inspirant à la fois nostalgie et dérision. Cette année, la pandémie a privé de public les chanteurs, et la mannequin Naomi Campbell a dû renoncer à une apparition en raison des restrictions imposées aux voyages.
En lot de consolation, le charismatique attaquant de l’AC Milan Zlatan Ibrahimovic sera présent en guest star lors de la soirée d’ouverture, qui chaque année attire quelque dix millions de spectateurs pour voir les stars de la chanson italienne et commenter les controverses sur les accusations de play-back et de plagiat, les querelles d’ego entre people ou les faux-pas en matière de garde-robe. Paolo Soddu, co-auteur en 2001 d’un ouvrage sur « le Festival », y voit « un rituel national », une expérience partagée qui révèle « le rêve collectif » de la nation italienne. « Que ça vous plaise ou non, on en parle. Même si vous haïssez le festival, vous le regardez », explique-t-il. Le festival est né en 1951 pour promouvoir le tourisme dans la ville balnéaire de Sanremo en Ligurie (nord-ouest). La télévision publique RAI y a vu un canal pour présenter les nouveaux visages de la variété italienne devant un public qui se met sur son 31 pour l’occasion. Devenu au fil des ans un passage obligé, Sanremo a accueilli le gotha des interprètes de la péninsule, du timide Lucio Dalla à l’incomparable Mina en passant par le génial Lucio Battisti et l’élégantissime Ornella Vanoni, et même le ténor Andrea Bocelli.
Un vrai modèle pour l’Eurovision
L’un des premiers à avoir accédé à la célébrité grâce à Sanremo fut Domenico Modugno en 1958: son refrain entêtant Volare sut saisir l’esprit insouciant de l’Italie en plein boom économique, trop heureuse d’avoir tourné les pages sombres de la guerre. Au-delà des grands noms de la chanson italienne, le festival a aussi accueilli des stars de renommée mondiale comme Shirley Bassey, Dusty Springflied, Sonny and Cher ou Louis Armstrong.
Les controverses sont légion: Adriano Celentano fit scandale en 1961 en tournant le dos au public, en 2010 une chanson sur l’euthanasie fut jugée de mauvais goût. Le festival a aussi été marqué par la tragédie, notamment en 1967 lorsque Luigi Tenco se suicida quelques heures après l’élimination de sa chanson Ciao amore, ciao, chantée avec sa célèbre petite amie d’alors, Dalida. Ces dernières décennies, le festival est devenu de plus en plus kitsch, ce qui ne devrait pas surprendre venant d’un événement qui a servi de modèle pour le concours Eurovision, connu pour être le sommet en la matière. Le gagnant représente d’ailleurs régulièrement le pays à l’Eurovision. Ce fut le cas tous les ans entre 1956 et 1966 et depuis 2017, mais de façon plus sporadique les autres années. C’est là que fut désigné le chanteur italo-égyptien Mahmood en 2019, au grand dam du de Matteo Salvini, membre du parti populiste d’extrême droite la Ligue du Nord, et alors ministre de l’Intérieur.