Tim Roth en vacancier dépressif, un vrai film de Cassavetes… Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection cinéma.
« Sundown », Drame de Michel Franco (1h23) – Luxe, calme et volupté. La piscine est à débordement, le service de première classe, les margaritas d’une fraîcheur impeccable. Dans cet établissement étoilé d’Acapulco, les clients sont traités aux petits oignons. Neil Bennett (Tim Roth) passe des vacances idylliques avec Alice (Charlotte Gainsbourg), dont on pense d’abord qu’elle est son épouse, et deux adolescents qui sont sans doute leurs enfants, mais les choses ne sont pas ce qu’elles semblent.
Le téléphone sonne. Catastrophe. Leur mère est morte. Il faut retourner à Londres. À l’aéroport, Neil prétend avoir oublié son passeport. Il sautera dans le prochain vol. Au lieu de ça, il s’installe dans un hôtel miteux du centre-ville, ne répond plus aux appels, laisse son portable dans un tiroir. Les journées se déroulent sur la plagepublique, à siffler des bières les pieds dans l’eau sur une chaise en plastique. Il a des éblouissements et ça n’est pas seulement à cause du soleil.
Cet acteur qu’on a connu survolté affiche le vague sourire du ravi de la crèche. Il est ailleurs. Il ne demande rien. Ce vide lui convient. Qu’est-ce qui ne va pas chez lui ? Voilà la question que se posent ses proches. Il n’y répond pas, s’enfonce dans le mutisme et l’indifférence. Autour de lui, la lutte des classes se traduit par des enlèvements. La tragédie rôde et il n’y attache aucune importance. Si la fin doit arriver, qu’elle arrive. Ce monde n’est plus le sien.
Le réalisateur de Sundown se garde bien d’expliquer les raisons de ce désarroi. Le résultat est troublant, poisseux, filmé dans une écriture blanche. Les péripéties sont souvent à deux doigts de basculer dans le ridicule. Cela intrigue, déconcerte. Difficile d’oublier cet Étranger d’Albert Camus en tongs. Hier, maman est morte.
« Gloria », Thriller de John Cassavetes (2h03) – Les admirateurs de John Cassavetes ont tendance à faire la grimace quand on leur parle de Gloria. Pas son meilleur film, selon ces puristes. Une commande. Un travail alimentaire. La belle édition vidéo proposée par Wild Side pourrait les faire changer d’avis. Gloria, lion d’or à la Mostra de Venise en 1980, est bien un film de studio.
Cassavetes y filme la cavale d’une ex-call girl et d’un gamin à New York, traqués par la mafia. Gena Rowlands est très loin de la mère au foyer maniacodépressive d’Une femme sous influence. Revolver au poing, elle a un faux air du Clint Eastwood de L’Inspecteur Harry (elle use de la même insulte, «punks»).
Il filme avant tout la relation entre une femme dépourvue d’instinct maternel et un orphelin portoricain qui se prend pour un homme. Cet amour naissant affronte un New York effervescent et hostile. Métros, taxis, gares et restaurants sont des refuges précaires. La belle partition de Bill Conti (le compositeur de Rocky) accompagne la fuite de ces deux cœurs solitaires. Gloria est un faux film de gangster et un vrai film de Cassavetes.