UN CHEF, UNE RECETTE ! I Du jeune Lorientais arrivé à Paris en 2CV au chef adulé qui aide les réfugiés, Stéphane Jégo s’offre sans complaisances un parcours d’homme au cœur d’or.

Stéphane Jégo 2 ©&sens
Pour le jeune Stéphane, la cuisine est chose ‘naturelle’. Entre une famille d’agriculteurs côté maternel et un père boucher avec qui il va régulièrement tuer le cochon, comment pourrait-il en être autrement ? A 14 ans, l’adolescent est viré de l’école qui, il est vrai, ne l’intéresse pas vraiment. Il part aussitôt en apprentissage, dans une brasserie connue de Lorient :
Une mauvaise brasserie, où tout était congelé, gras, lourd, avec trop de crème et de farine, du jus de citron en bouteille… Une honte ! Et pourtant on était au bord de la mer et il ne manquait pas de pêcheurs.
Tout ce qu’il déteste, en bon habitué des produits frais. Mais sa chance viendra avec le service militaire, qu’il fait au mess des officiers de Saint-Germain-en-Laye, une expérience qui lui vaut de poser un regard beaucoup plus serein sur la cuisine. L’armée finie, je monte à Paris, en 2 CV, avec ma femme, décidé à être cuisinier. Stéphane multiplie les envois de CV fleuris où il se targue, entre autres qualités, d’être le meilleur des rôtisseurs. Tous finissent sans doute à la poubelle, jusqu’au jour où Christian Constant, alors chef de l’Hôtel de Crillon, l’appelle. Il lui propose une place auprès d‘Yves Camdeborde qui, deux jours plus tôt, a ouvert La Régalade :
J’y ai tout appris, parce que j’ignorais tout !
Un succès jamais démenti
Au début des années 2000, Stéphane décide d’ouvrir son restaurant, un lieu à son image, avec de l’argent emprunté aux parents et quelques amis. Il rachète L’Ami Jean, institution basque des années 1930. Il dénote, avec sa cuisine bistro-terroir-rustique-haute gastronomie, pour casser les codes, et sa voix qui porte. Car oui, il donne beaucoup de la voix, Stéphane, mais c’est sa manière à lui d’avancer et de faire avancer, une sorte de bordel organisé, militaire, au millimètre. Succès immédiat pour ce restaurant atypique, et surtout non reproductible :
Non, il n’y aura jamais d’Ami Jean 2, 3, 4…
Cuisiner, chercher et partager
Rien n’intéresse plus Stéphane Jégo que les découvertes, celles qu’il fait dans sa cuisine. Parce qu’il voyage, écoute, essaie encore et toujours. Ainsi sa terre brûlée ou son citron noir sont-elles de magnifiques créations. Qu’il aime partager :
Si l’on ne partage pas en cuisine, où partageons-nous ?
C’est dans cet esprit qu’il participe au Refugee food festival*, un projet qui offre aux réfugiés une formation pouvant leur ouvrir les portes de l’insertion. Sa dernière protégée, de descendance Géorgienne, faisait une cuisine triste. Depuis que je la coache, c’est formidable ce qu’elle fait, et ce qu’elle m’a fait découvrir. Vous avez dit partage ? Un partage où l’on donne, mais où l’on sait aussi recevoir. Une ouverture réciproque.
Recette : Le ragoût de ma grand-mère
Lorsque je quittais Paris pour Lorient, je prévenais toujours ma grand-mère que j’arriverais 5 h plus tard. Et là, elle préparait sa cocotte en fonte : elle y mettait la viande qu’elle avait ce jour-là, peu importe laquelle, et les légumes du jardin. Et elle oubliait tout ça sur le coin du fourneau à bois.
Lorsque j’arrivais, le ragoût était exceptionnel, un fabuleux confit : j’y retrouvais tous les goûts, celui de la viande et celui de chaque légume. Les petits pois avait vraiment le goût de petit pois ! C’était magique. J’ai gardé cet esprit-là, j’aime laisser le temps au temps. Et je sais aussi que tout ça ne peut être que parce que derrière, il y a de formidables producteurs.
Restaurant L’ami Jean – Stéphane Jégo, 27 rue Malar, Paris (VIIe) – t/ 01 47 05 86 89 – Fermé le dimanche et le lundi – Plus de renseignements ici I *Refugee food festival a lieu dans le monde entier. En 2018, à Paris, il se déroule du 16 au 24 juin prochain, dans de nombreux restaurants, dont l’Ami Jean, au déjeuner et au dîner le 19 juin – Plus de renseignements ici