Ici il y a du thym, du basilic, du curcuma, trois sortes de menthe, et bientôt de la lavande, dit fièrement Lia de Souza en dressant un improbable inventaire botanique: nous sommes dans une favela proche de Sao Paulo.

Une habitante travaille dans un potager de la favela verte de Vila Nova Esperança, le 14 février 2020, à la périphérie de Sao Paulo, au Brésil I AFP / Nelson ALMEIDA
Dans le grand potager, la Brésilienne de 57 ans donne ses instructions au garçon qui apporte une brouette de cette terre rouge sur laquelle tout pousse: papayers, bananiers et même bougainvillées fuchsia et hortensias roses.
Nous avons aussi toutes sortes de plantes médicinales, se réjouit Lia.
Sur la parcelle de culture écologique, elle montre aussi la serre pleine de semis et, plus loin, le compost. Dans la favela verte de Vila Nova Esperança, dont Lia est élue leader depuis dix ans, rien ne se perd, tout se récupère. Ici règne l’éthique de la permaculture: à une heure du centre de la mégapole congestionnée de Sao Paulo, la favela, qui domine la luxuriante Mata (forêt) atlantica, se veut respectueuse de l’environnement, des hommes, autosuffisante et fondée sur le partage. Bien sûr les roses et les marguerites du jardin n’empêchent pas Vila Nova Esperança de ressembler aux 1.650 favelas du grand Sao Paulo: ruelles défoncées, maisons inachevées, canapés éventrés en plein air et sacs plastique qui volent. Mais la favela écologique de Vila Nova Esperança a reçu plusieurs prix et a son compte Facebook. C’est dans cette communauté de 3.000 âmes que Lia l’espérance, comme on l’appelle aussi, a bâti son rêve.
« Préserver la nature »
Le chignon en bataille, elle empoigne à main nue la terre qu’elle jette par paquets sur le mur de la ludothèque où viendront jouer les enfants. Le barro, ce mélange d’argile et de ciment, remplace les briques. C’est moins cher et en plus ça préserve la nature, explique Lia, le visage maculé de terre ocre, mais rayonnant. Ailleurs, des matériaux recyclés sont utilisés.
Quand je suis arrivée à Vila Nova Esperança, il n’y avait rien, raconte-t-elle. Aujourd’hui, nous avons un théâtre, une bibliothèque pour apporter la culture aux habitants, une cuisine communautaire, un lac où les enfants peuvent se baigner. Et ce potager qui ne cesse de grandir.
Rodrigo Calisto, un ingénieur civil qui prête main forte à Lia, montre un bassin de pierre qui va accueillir un vivier de tilapias. Avant d’être mangés, les poissons mangeront les moustiques. C’est pour les problèmes de dengue, explique le jeune homme qui peut mobiliser, le weekend, une trentaine de bénévoles pour travailler dans la favela. En empilant de gros sacs remplis de terre, ils ont construit des retenues contre les glissements de terrain souvent dramatiques pour les favelas lors des pluies torrentielles.
Maintenant il n’y a plus de danger pour les maisons en contre-bas, explique l’ingénieur, qui a aussi mis au point un système de récupération des eaux de pluie.
C’est une joie pour moi que la nature nous montre comment il faut vivre. On n’a pas besoin d’aller à l’université !, s’exclame Lia.