L’agenda parlementaire du premier trimestre 2023 s’annonce chargé pour les députés et les sénateurs, avec notamment l’examen de la réforme des retraites et de la loi immigration, deux textes sur lesquels la majorité compte sur le soutien des Républicains.

Un début d’année sur les chapeaux de roues . Deux projets de loi présentés en Conseil des ministres en janvier devraient atterrir au Parlement avant la fin mars : la réforme des retraites ainsi que le texte sur l’immigration, examiné vraisemblablement à partir de fin janvier au Sénat. Le premier rendez-vous se tiendra le 10 janvier à l’Assemblée, lors du vote du projet de loi dédié aux énergies renouvelables.
Réforme des retraites : un 49-3 pour faire adopter le texte ?
La réforme des retraites promet un début d’année agité sur le front politique et social. Le gouvernement a repoussé la présentation de son projet de réforme, initialement prévue le 15 décembre, au 10 janvier. La piste privilégiée par l’exécutif, unanimement décriée par les syndicats, est de décaler progressivement l’âge de départ de 62 à 65 ans, même si un report à 64 ans avec un allongement de la durée de cotisation n’est pas du tout écarté. La majorité envisage de faire passer l’essentiel de la réforme par un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), ce qui l’autoriserait à recourir si besoin à l’article 49-3 de la Constitution , qui permet de faire adopter une loi sans vote.
Renaissance, qui n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée, aimerait obtenir le soutien des Républicains. Fraîchement élu à la tête du parti, Éric Ciotti a rencontré mercredi Élisabeth Borne et lui a posé ses conditions pour soutenir la réforme. « Le gouvernement va tout tenter pour avoir le soutien des députés LR et éviter d’avoir recours au 49-3 », analyse Olivier Rozenberg. Pour le politiste et professeur à Sciences po, au Centre d’études européennes et de politique comparée, même si le gouvernement décidait d’utiliser le 49-3, l’impact ne devrait pas être majeur. Il explique : « Le 49-3 a déjà été utilisé par ce gouvernement à dix reprises cette année sur les textes budgétaires. Les premières utilisations ont été médiatisées mais les plus récentes sont passées plus inaperçues. Cette procédure est donc devenue une routine. »
La gauche a promis de faire entendre sa voix. Le 14 décembre, les députés de la Nupes ont affiché à l’Assemblée leur « front commun ». Mais chacun avance son idée : LFI appelle à une « grande marche » le 21 janvier quand les communistes demandent des « grands meetings » de la gauche et un référendum sur la réforme. L’intersyndicale a elle déjà prévenu ce qui attend la majorité : des manifestations et des grèves « si le gouvernement demeure arcbouté » sur son projet de réforme.
« L’exécutif ne craint pas grand-chose de l’opposition politique dans la mesure où il sait à quoi s’en tenir : une très forte mobilisation lors des débats parlementaires. Par ailleurs, il dispose d’une palette d’instruments pour limiter l’obstruction », avance Olivier Rozenberg. En revanche, selon le politiste, il aurait « davantage peur de la mobilisation des syndicats dans la rue ». Dans tous les cas, Emmanuel Macron ne verrait pas d’un mauvais œil les manifestations : « Depuis le début, il souhaite obtenir une victoire symbolique attestant de son réformisme contre les conservatismes. »
Immigration : Les Républicains vont-ils soutenir la majorité ?
Un autre texte est particulièrement attendu : « Pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ». Sa version définitive a été dévoilée mardi 20 décembre. Le texte, envoyé lundi 19 décembre au Conseil d’Etat, faisait jusqu’alors surtout la part belle aux mesures permettant d’améliorer le taux d’exécution des expulsions. Ce volant a été contrebalancé avant tout par une mesure symbolique : la création d’un titre de séjour « métiers en tension » .
Le gouvernement veut également créer une carte de séjour destinée aux professionnels de santé. Cette nouvelle carte de séjour pluriannuelle concernerait les médecins « quelle que soit leur spécialité », les sage-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens. Le projet de loi porté par les ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Travail Olivier Dussopt vise surtout à favoriser les expulsions d’étrangers qui présentent une menace pour l’ordre public.
Comme pour la réforme des retraites, Renaissance espère être soutenu par Les Républicains. « Une partie des LR a bien compris que nous faisons des propositions de bon sens (…). Tout ce que les LR ont toujours demandé, nous le proposons », a estimé Gérald Darmanin au Figaro . Mais le soutien de la droite « n’est pas acquis » et « il y a un vrai suspens », observe Olivier Rozenberg. « Il est possible que le gouvernement accepte des amendements de la droite dans un sens plus restrictif, avance le politiste. Cela pourrait être donnant-donnant : le gouvernement pourra ainsi dire qu’il a réussi à faire passer le texte sans le 49-3 et la droite pourra de son côté dire qu’elle est utile et qu’elle a réussi à le durcir. »
Energies renouvelables : la gauche va-t-elle voter avec la majorité ?
L’Assemblée a achevé dans la nuit du 15 au 16 décembre l’examen du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, dont le vote solennel est prévu le 10 janvier. Après un large soutien du Sénat en première lecture, le gouvernement a évité les chausse-trapes au Palais Bourbon sur ce texte qui vise à combler le net retard de la France en matière d’éolien et de photovoltaïque, et qui fait écho à la crise énergétique .
Même si ce projet de loi est bien moins clivant que les retraites et l’immigration, il n’est pas dénué d’enjeu politique. Pour la première fois du quinquennat, les macronistes se sont en effet résolument tournés vers la gauche de l’hémicycle, alors que, de son côté, la droite a notamment ferraillé avec le RN contre les « nuisances » des éoliennes.
L’exécutif croit donc pouvoir obtenir un vote favorable grâce au PS et au groupe indépendant Liot, tandis que la position des écologistes et de LFI reste plus incertaine. « Ce vote sera un test : si le texte est adopté, cela signifiera que ce gouvernement arrive à trouver des majorités au cas par cas, y compris avec la gauche, décrypte Olivier Rozenberg. Un peu comme quand l’ex-Premier ministre socialiste Michel Rocard trouvait des accords en 1988, un coup avec les centristes, un coup avec les communistes, ce que l’on évoquait à l’époque sous le vocable de ‘majorité stéréo’ [NdlR : un terme inventé par le constitutionnaliste Guy Carcassonne] ».