Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Bernard Tapie, le PDG d’Orange Stéphane Richard et quatre autres prévenus, jugés au printemps dans l’affaire de l’arbitrage controversé qui avait octroyé €403 millions à l’homme d’affaires en 2008.

Bernard Tapie, au tribunal, à Paris, le 4 avril 2019 I AFP/Archives / Bertrand GUAY
Absent au délibéré alors qu’il subit une récidive de son double cancer, Bernard Tapie a réagi auprès de son journal La Provence:
Mon cancer vient d’en prendre un sale coup dans la gueule !
C’est bien la preuve qu’il faut toujours, toujours, se battre jusqu’au bout, a déclaré l’ex-ministre de 76 ans, contre lequel cinq ans de prison ferme avaient été requis le 1er avril pour escroquerie et détournement de fonds publics.
Il a toujours nié avoir volé le contribuable. L’arbitrage, qui lui avait accordé €45 millions au seul titre de son préjudice moral pour réparer la faute du Crédit Lyonnais lors de la revente de l’équipementier sportif Adidas, a été annulé définitivement au civil en 2015 pour fraude. Mais pour le tribunal correctionnel, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que cet arbitrage ait fait l’objet de manoeuvres frauduleuses ou d’une quelconque fraude. Les juges n’ont pas retenu le détournement de fonds publics ou la complicité de ce délit reprochés aux prévenus, et estimé que l’escroquerie n’était pas caractérisée, prononçant ainsi une relaxe générale. Hervé Temime, l’un des avocats de l’ex-patron de l’Olympique de Marseille, a salué un jugement d’une netteté exceptionnelle, rendu avec une indépendance rare. Pour moi, il n’y a aucune cohérence entre (les) décisions civiles et la décision du tribunal, a-t-il ajouté. Le parquet de Paris a la possibilité de faire appel. Il avait demandé des peines d’emprisonnement contre cinq des six prévenus. Trois ans de prison, dont 18 mois ferme, avaient été ainsi requis contre le patron d’Orange, poursuivi pour complicité en tant qu’ancien directeur de cabinet de l’ex-ministre de l’Economie Christine Lagarde, condamnée elle fin 2016 pour négligence par la Cour de justice de la République.
C’est un immense soulagement de voir mon innocence totalement reconnue par ce tribunal, a réagi M. Richard, qui aurait vu son avenir à la tête d’Orange compromis en cas de condamnation.
Des cadres CFE-CGC et des actionnaires salariés d’Orange se sont également dits dans un communiqué soulagés de garder Stéphane Richard comme PDG. Pour le parquet, Bernard Tapie avait truqué l’arbitrage, dont il était le principal bénéficiaire. En activant d’abord ses soutiens à l’Elysée pour que le pouvoir sarkozyste choisisse la voie arbitrale au lieu de la justice ordinaire. Puis en s’assurant de la partialité d’un des juges arbitres, qui entretenait des liens anciens et réguliers avec son avocat historique Maurice Lantourne. A la solde du duo, le haut magistrat Pierre Estoup, principal rédacteur de la sentence, avait abusé ses deux co-arbitres, avaient estimé les représentants du parquet.
Il est acquis que Bernard Tapie a fait preuve publiquement d’un activisme très important auprès de différentes personnalités publiques pour plaider sa cause, a relevé le tribunal correctionnel. Cependant, il n’est pas rapporté la preuve (qu’il) ait demandé directement ou activé ses réseaux pour que des instructions soient données en sa faveur, ni que son ex-avocat se soit concerté avec le haut magistrat Pierre Estoup, a jugé le tribunal.