Entre un projet d’alliance avec Les Républicains, puis le retrait de la liste En Marche ! en PACA pour donner l’illusion d’un barrage au Rassemblement national, le mouvement présidentiel tire les ficelles de tous côtés pour placer ses nœuds en vue de la future présidentielle. [Décryptage]
A défaut de présenter une liste électorale pour se rendre victorieuse, La République En Marche (LREM) sabote celle des autres ! Voilà maintenant deux semaines que les regards sont braqués sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) en vue des prochaines élections régionales ; une attention particulière depuis l’annonce faite par le Premier ministre, Jean Castex, d’une candidature commune entre Les Républicains (LR) et le mouvement politique de Macron. Si pour le locataire de Matignon il s’agissait d’une nouvelle preuve de recomposition politique pour la droite, cette annonce a fait l’effet d’une bombe. C’est d’ailleurs ce que recherchait Macron. En effet, il apparaît assez évident que le chef de l’État lui-même pilotait cette affaire bien conscient que sa formation était incapable de ravir la ou les région(s) françaises. Il a donc décidé de semer la zizanie dans la campagne pour tirer la couverture et nuire durablement aux Républicains, comme il a quasiment détruit le Parti socialiste (PS), il y a quatre ans.
Car au sein de LR une alliance avec la majorité présidentielle n’est pas vue d’un très bon œil. De nombreux membres trouvent cette démarche mortifère pour leur propre parti, à moins d’un an de la présidentielle. De quoi placer le président des Républicains, Christian Jacob, dans une position pour le moins délicate :
(…) étant incapable de conduire une liste, ils (LREM, Ndlr) essaient de jouer sur la capacité de nuisance et de destabilisation. Moi je suis convaincu qu’on va résister à cette destabilisation, et c’est sur ces bases que l’on a travaillé.
Il y a dans cette région un très bon bilan de la majorité régionale, qui est la majorité aux régionales avec Les Républicains. Il y a aujourd’hui, effectivement, une manœuvre politicienne d’En Marche ! Ils font le constat d’échec de ne pas pouvoir conduire une liste. Ils sont dans les petites manœuvres.
Manœuvres politiciennes, projet de destabilisation… des éléments de langage qui prouvent que Les Républicains, déjà fragilisés, connaissent de nouveaux remous. Au cœur de la tempête, le président LR de la région PACA, Renaud Muselier, est candidat à sa propre réélection. Après avoir annoncé vouloir intégrer des membres LREM sur sa liste, plusieurs cadres de son camp ont appelé à lui retirer l’investiture. Plus gênant, de fortes têtes locales, comme le maire LR de Cannes, David Lisnard, se sont désengagés de la campagne électorale.
Un parti de droite qui se délite avec en guise de finale la présentation des listes, vendredi dernier à Marseille. Si Renaud Muselier a intégré le poids lourd de la région, le très macroniste maire de Nice, Christian Estrosi, il a également sollicité quinze membres de la majorité présidentielle. Ainsi, le calcul est on ne peut plus clair : en cas de victoire de la liste de l’ex-maire adjoint de Marseille, le parti présidentiel pourra revendiquer une victoire locale. En cas de défaite, face à la liste du Rassemblement national portée par Thierry Mariani, La République En Marche pourrait se servir du fameux front républicain comme argument de campagne présidentielle. La manœuvre LREM est un coup de billard à trois bandes : d’un côté, il y a le projet de faire exploser en vol Les Républicains, de l’autre, le duel annoncé face à Marine Le Pen lors de la prochaine présidentielle. Là aussi, quel que soit le verdict, la parade macronienne est toute trouvée. En cas de victoire, ils feront barrage au RN. En cas de défaite, le parti de Marine Le Pen réussira à remporter un suffrage malgré l’apparent front républicain.
Evidemment, les Marcheurs de la dernière heure stimuleront l’électorat pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise en avril 2022. Et pour cause, selon un dernier sondage d’opinion Ipsos publié le 11 mai dernier, le candidat Mariani (RN) est donné largement en tête au premier tour et vainqueur au second dans toutes les configurations. L’épisode PACA semble faire aussi des émules dans le Grand Est où l’Eurodéputée Nadine Morano a assuré qu’elle ne voterait pas pour la tête de liste de sa propre famille politique, Jean Rottner, qu’elle soupçonne justement d’un rapprochement avec LREM au second tour. Tout porte à croire que quels que soient les résultats, Macron sortirait son épingle du jeu dans le cadre de la prochaine présidentielle. La stratégie selon laquelle « diviser pour mieux régner » – sortie gagnante en 2017 – est de nouveau En Marche ! ne changera pas grand-chose. Aucun Français n’est dupe quand on joue faux.