Dans son édition de dimanche (11 avril 2021), le Journal Du Dimanche (JDD) retrace le parcours d’Abdoullakh Anzorov, le jeune Tchétchène de 18 ans qui avait décapité Samuel Paty, le 16 octobre dernier.
C’est l’histoire glaçante d’une radicalisation en ligne, presque indétectable. L’histoire d’un jeune adolescent obnubilé, comme les autres, par les réseaux sociaux. Détail notable : la prédilection d’Abdoullakh Anzorov allait, de toute évidence, vers les contenus faisant la promotion de la pratique la plus violente de l’islam, et du djihadisme. Le parcours du jeune homme, né à Moscou en 2002, est celui d’une radicalisation née, développée et entretenue sur Internet, comme le raconte le JDD. Le jeune homme était d’ailleurs présent sur toutes les plateformes existantes : un compte Twitter – sur lequel il a publié la photo de la tête de Samuel Paty -, Facebook, WhatsApp, Telegram – l’application de discussion cryptée appréciée des djihadistes -, deux comptes Instagram, un compte Snapchat, etc. Le tout lié à plus d’une dizaine d’adresses mail différentes, afin de brouiller les pistes.
Une amicale des jeunes radicalisés
Dix mois avant l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, le profil d’Anzorov ressemble à tous les autres profils de jeunes musulmans radicalisés vivant en France. « Des comptes comme ceux-là […], il en existe des milliers, pour ne pas dire plus », disait déjà Gérald Darmanin le 22 octobre dernier. L’essentiel des activités islamistes du jeune homme se « limitait » à sa présence sur plusieurs discussions, regroupant d’autres jeunes de son âge. Les conversations, raconte le JDD, pouvaient avoir des noms explicites, comme « Jundullah » (soldats d’Allah), et « Chasseurs de Murtad/Mushrik » (« apostats » et « idolâtres »). D’autres se présentaient sous un jour plus discret, comme une conversation Snapchat intitulée « Étudiants en médecine ». Si les jeunes présents sur ses conversations ne tarissaient pas d’éloge sur les talibans, aucun projet d’action violente ou de départ pour le djihad n’y était évoqué.
Puis, du jour au lendemain, Anzorov disparaît des réseaux sociaux, qu’il déclare soudainement « haram [péché] ». Durant six mois, révèle le JDD, silence radio. Les amis et contacts avec lesquels il échangeait ne reçoivent plus de nouvelles. Entre temps, le jeune homme est entré directement en contact avec différents djihadistes et responsables de groupes islamistes. A certains d’entre eux, il exprime son envie de départ vers « une terre d’islam ». Il échange notamment avec un certain « 12.7 X 108 », un sniper du groupe Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), proche d’Al-Qaïda, combattant en Syrie aux côtés de l’Etat islamique. Mais si les discussions avec ces sinistres personnages sont nombreuses, les appels du pied du jeune homme concernant un départ restent sans réponse. Finalement, Anzorov revient sur les réseaux sociaux. Selon ses proches, ce dernier revient changé : « Il ne parlait plus que de djihad, disait qu’il s’était renseigné. » Cinq mois plus tard, Samuel Paty était assassiné devant son collège.