Le gazole est devenu plus cher que l’essence, début mars. Pour les experts, ce changement s’explique en partie par les crispations liées à la guerre en Ukraine. La France, elle, importe 25% de son gazole depuis la Russie.
La situation est rarissime. Le prix du gazole a dépassé celui du sans-plomb 95: en moyenne 1,883 euro le litre pour le premier contre 1,871 euro pour le second, selon les données publiées par le ministère de la Transition écologique lundi 7 mars. « Les écarts sont faibles, en temps normal (…), entre le sans-plomb et le gazole. C’est vraiment lié au marché et à l’inquiétude actuelle (suscitée par la guerre en Ukraine, ndlr) », estime Blandine Ruty de l’Union française des industries pétrolières.
La raison de cette mutation tient d’abord à la dépendance européenne aux matières pétrolières produites en Russie. En plein conflit russo-ukrainien, les marchés internationaux se sont affolés alors que Moscou est l’un des exportateurs principaux. Nombres d’acteurs ne veulent plus s’offrir des produits d’origines russes. Certains craignent l’arrivée prochaine de sanctions internationales sur cet or noir. Les États-Unis ont ouvert la voie, avec un embargo du pétrole russe sur le sol américain.
En 2020, un quart du gazole était d’origine russe, selon l’UFIP. « Il y a donc une répercussion sur le prix à la pompe », explique Blandine Ruty. Néanmoins, « pour le pétrole brut, on est beaucoup moins dépendant « , tient-elle à noter. Selon l’Insee, en 2020, seuls 8,7% du pétrole importé en France était d’origine russe.
Cette dépendance n’est pas la seule responsable de cette hausse. Depuis le début de la pandémie, les pays producteurs de pétrole ont réduit les productions. Alors que la sortie de la crise sanitaire se profile, celles-ci n’augmentent que très faiblement tandis que la demande, elle, est la même qu’avant la pandémie mondiale. Résultat, l’offre est moins importante et en bout de course les prix dans les stations-services augmentent.
Une essence « majoritairement produite en France »
Si le gazole est davantage concerné par ces hausses, cela tient à son mode de fabrication. En raffinant un baril de pétrole (environ 159 litres), il est possible d’obtenir 74 litres d’essence. Le rendement pour le gazole, lui, est bien plus faible avec 35 litres par baril. Dans le même temps, la part d’essence importée par la France est plus faible, selon les experts. « La France importe très peu de SP95 ou SP98, qui sont majoritairement produits sur place », explique la spécialiste de l’UFIP.
Pour justifier cette situation, il est aussi intéressant de mettre en avant l’amplification de la production de biocarburants contenus dans l’essence. Élaborés, notamment à base de betteraves à sucre, ils sont moins touchés, de fait, par la guerre en Ukraine.
Si la situation est « très atypique », selon la spécialiste, elle estime qu’il ne s’agit pas d’une situation inédite. En effet, en 2018 à la naissance du mouvement des Gilets jaunes, la France avait connu une situation similaire. Le 16 novembre de cette année-là, le gazole était affiché à 1,465 €/l contre 1,459 euro pour le SP95.
Contrairement à 2018, où la situation était revenue à la « normale », rapidement, les observateurs ne sont guère optimistes pour le moment. « C’est une situation dont on ne voit pas encore l’issue. Il faut substituer les importations russes, par d’autres pays. La France n’est pas seule dans cette compétition », prévient Frédéric Plan.