Alors que la crise sanitaire a mis à mal l’unité des États membres, Macron mise sur la carte européenne pour l’élection présidentielle. La stratégie de 2017 est recyclée pour 2022. [Décryptage]
Finir le quinquennat en président européen et continuer sur cette lancée ? C’est l’opportunité offerte par le calendrier Bruxellois à Macron. Le pensionnaire de l’Elysée va jouer cette dernière carte ; un jeu qui devrait donner quelques sueurs froides aux Eurosceptiques de tous bords. Dimanche dernier, lors d’une grand’messe organisée au sujet de l’avenir de l’Union Européenne (UE), Macron a plaidé pour une Europe qui décide plus vite et plus fort (?!) vantant ainsi le modèle Européen durant la pandémie de covid. Une curieuse formulation alors que les dossiers brûlants démontrent que l’Europe Bruxelloise ne décide de rien, notamment en matière de relations internationales face à la Turquie ou à la crise sanitaire. Et pour sauver le vieux continent, la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, n’a pas hésité, du haut de son brushing parfaitement laqué, à invoquer Antoine de Saint-Exupéry dans un lyrisme presque niais :
Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction.
Une tartine citatoire outrageusement beurrée qui aurait pu être l’œuvre de Macron lui-même. Mais l’homme n’était pas en reste et il sait qu’il a sa carte à jouer avec l’UE dont il héritera de la présidence tournante de janvier à juin 2022. Une opportunité pour ce qu’il reste d’un chef d’Etat mal aimé, pour qui défendre la construction européenne constitue une ligne de démarcation claire contre l’adversaire face auquel il rêve de se retrouver : le Rassemblement national.
En s’affichant européiste, il peut continuer d’assujettir une partie de la droite parlementaire tout en maintenant dans son giron une gauche caviar mourante, celle qui a fui le Parti Socialiste (PS). C’est donc un homme en campagne qui « défend » l’Europe avec ses discours de winner (trad. gagnant) parsemés de formules à l’emporte-pièce :
Ce procès de l’Europe, fait chaque matin. Cette espèce de défaitisme ambiant consiste à dire l’Europe : regardez, n’est pas au rendez-vous, nous n’y sommes pas. Je leur réponds qu’au contraire, dans cette crise, c’est un modèle européen qui s’est affirmé.
Jupiter contre les défaitistes ? C’est bien vu mais c’est aussi la même rengaine qu’en 2017, en campagne présidentielle :
(…) alors ce soir, mes amis, nous leur répondons ensemble, à ceux qui ne croient plus rien, aux cyniques, aux défaitistes, aux déclinistes qui les entourent. Nous leur disons : le meilleur est devant nous, le meilleur est à nous.
Le meilleur à venir… n’est certes jamais venu, mais cela n’empêchera pas de resservir aux Français le même potage avarié pour gagner encore cinq ans de vie présidentielle. Ainsi dimanche dernier, Macron a vanté l’autorité de la démocratie en opposition à l’autoritarisme. Si la différence de notion est assez complexe à considérer, les privations de liberté qui touchent l’ensemble des Français depuis son arrivée à l’Elysée démontrent qu’il est tout sauf un agneau. Dans sa boîte à outils européenne, il a également intégré Strasbourg où il souhaite que l’assemblée plénière de juin, celle du Parlement, s’y déroule. De quoi teinter d’une petite coloration française son projet européen qui n’en est pas un ; un projet pour lequel il entend renouer avec les grandes ambitions basées sur des consultations citoyennes, des consultations qui n’ont jamais fonctionné à l’échelle nationale et qui, évidemment ne seront pas plus efficaces à l’échelle continentale à travers des territoires variés. Cette communication européiste a cependant le mérite de donner le ton pour la prochaine campagne présidentielle de 2022. Une campagne pour laquelle Macron joue à fond la carte européenne, puisque il en aura la présidence tournante comme évoqué. De quoi le différencier de Marine Le Pen d’un côté, certes, mais aussi (peut-être) de couper l’herbe sous le pied de l’ancien commissaire européen Michel Barnier, potentiel candidat Les Républicains également labellisé européiste.