A 16 mois de la prochaine élection présidentielle, certaines figures de gauche appellent au rassemblement et militent pour une candidature unique. Mais entre rivalité, guerre d’égo et divergence idéologique, le scénario est loin d’aboutir.
L’union fait la force dit-on ? C’est la conviction profonde d’un certain nombre de personnalités à gauche de l’échiquier politique. Depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, de nombreuses voix réclament une candidature unique en vue de la présidentielle de 2022. Après la raclée de 2017 où le Parti socialiste (PS) n’a recueilli que 6,36 % des suffrages, l’heure est au petit calcul politique pour éviter de revivre ce redoutable naufrage. Ainsi l’ancien candidat Benoît Hamon envisage que son camp s’unisse pour être au rendez-vous de la prochaine échéance présidentielle. Un vœu presque pieu partagé par des responsables de tous bords, des militants politiques, des intellectuels et des syndicalistes qui ont eux aussi appelé, dans une pétition en ligne, à une candidature commune à gauche en vue d’une alternative écologiste, sociale et démocratique « solide ».
Le chantre désormais barbu du Revenu de base, encore appelé revenu universel ou allocation universelle, semble avoir retenu la leçon cuisante de 2017, puisqu’il a indiqué qu’il ne serait pas le candidat de l’union. En revanche, il a avancé d’autres noms dont celui de Christiane Taubira et celui de Jean-Luc Mélenchon. Si l’appel au leader insoumis est effectif, ce dernier a déjà pris les devants pour couper l’herbe sous le pied de ses potentiels concurrents. En effet, le député de Marseille a déjà annoncé une énième candidature à l’élection présidentielle après celles de 2012 et 2017. Premier à dégainer « aussi vite que son ombre », Mélenchon espère forcer la main à ses adversaires pour incarner le seul pôle de stabilité à gauche et créer une dynamique politique nécessaire en période de crise sanitaire et de menaces terroristes récurrentes. Mais sa déclaration de candidature a été accueillie froidement, voire avec hostilité par les autres partis de gauche. Et pour cause, si en apparence la France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS) et Europe Écologie-Les Verts (EELV) veulent jouer l’union sacrée pour avoir une chance de figurer au second tour, dans les faits l’inverse se produit. Chacun prône l’idée d’une alliance, à condition que le candidat potentiel soit de leur propre formation.
A ce petit jeu de rivalité et de guerre d’égo, il faut ajouter les divergences politiques qui semblent pour l’heure irréconciliables. Le PS se positionne toujours sur une ligne sociale-démocrate classique tandis que les écologistes veulent tout transformer en passant toute la société française dans un grand filtre vert, à grand renfort d’idéologie liberticide. Mélenchon, de son côté, veut bien de l’écologie mais pour se débarrasser du capitalisme, qualifié de rampant. D’ailleurs le chef de file d’extrême-gauche s’enflamme à l’idée de mettre le « boxon » dans les rangs d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Pour court-circuiter le probable candidat Yannick Jadot, il s’est affiché à plusieurs reprises avec Éric Piolle, l’actuel Maire de Grenoble qui pourrait être, lui aussi, candidat à la présidentielle. L’union de la gauche s’annonce donc compliquée, même si elle venait par enchantement à se mettre d’accord.
Mais la partie serait encore loin d’être gagnée. Un récent sondage d’intentions de vote au premier tour de la prochaine élection présidentielle, issu de l’Institut français Ifop, annonce des chiffres catastrophiques pour les candidats classés à gauche. Si en rang dispersé ils n’ont aucune chance de franchir le premier tour, le constat reste le même en cas de candidature unique. Selon l’enquête une telle tactique ne présenterait aucun avantage par rapport à des candidatures séparées et serait même plus désastreuse encore. Dans le cadre d’une candidature unique, l’hypothèse « Jean-Luc Mélenchon » ne remporte seulement que 15 % des voix, et les hypothèses « Anne Hidalgo » et « Yannick Jadot », chacune 13 %. Ce n’est un secret pour personne, la gauche unie est mise à mal par les divergences politiques qui la tourmentent et les petites ambitions personnelles des candidats. Alors que l’union de la gauche relève de l’utopie, le PS pourrait sortir sa botte secrète avec la candidature de l’ex premier secrétaire du PS, l’éléphant Jean-Christophe Cambadélis, qui se prépare sagement dans son coin. Avec de telles figures, la présidentielle de 2022 pourrait ressembler à un long calvaire pour certains.