A quatorze mois de l’élection présidentielle, celui qui a cassé le clivage entre la droite parlementaire et le Parti Socialiste pourrait bien être à l’aube de sa dernière année à la fonction suprême. [Décryptage]
Après plus de trois années passées au pouvoir, Macron n’a guère changé, mimant ici et là un dynamisme suffisant semblant inépuisable devant les borgnes, enflé d’une communication qui frôle désormais le ridicule. Tantôt à grands coups de reniflements laissant craindre un vilain rhume, tantôt s’adressant à des influenceurs sur les réseaux sociaux, on peut dire que le pensionnaire de l’Elysée n’est pas l’« hyper » président que les Français attendaient. Troublé par une popularité descendante, le quadragénaire a connu une baisse dans les enquêtes d’opinion, jusqu’à présent moindre que ses prédécesseurs Sarkozy ou Hollande, même après une durée de mandat identique comme l’atteste le baromètre Kantar Sofres.
Illustration se situant au-dessus des deux derniers présidents de la République, qui n’ont fait qu’un mandat, et au-dessous des deux autres qui en ont fait deux, Macron se situe fiévreusement au centre. Son quinquennat aura jusqu’à aujourd’hui été marqué par trois événements majeurs : le mouvement des Gilets jaunes qui aura témoigné de l’incapacité du l’actuel président à résorber la fracture sociale, le mouvement sur la réforme des retraites avec en tête la CGT qui aura montré son incapacité à réformer et enfin la crise sanitaire qui pour le moment a permis de rendre risible une situation foncièrement grave… Trois événements et guère de réussite, donc. Les seuls chantiers aboutis de l’ère Macron seront analogues à ceux de l’ex-président Hollande, se situant pauvrement sur les aspects sociétaux du pays avec la GPA et la loi bioéthique. Des sujets illustrant gravement certaines carences dans les domaines économique et social, mais aussi dans la sécurité avec des textes rédigés uniquement à l’endroit des laboratoires pharmaceutiques et autres officines progressistes. Question sécurité, le bilan est tout aussi déplorable et la mort de deux jeunes de 14 ans en début de semaine dernière dans l’Essonne est là pour rappeler les déficiences en la matière. Ajoutez à cela le volet des « violences policières » avec les affaires de flash-ball contre les Gilets jaunes, les lynchages, mais aussi l’état d’exception devenu quasi permanent avec son lot d’interdictions et de suppression des libertés, ses confinements et ses couvre-feux imbéciles. En bref, la macronie ne semble pas en très grande forme.
Une question se pose alors : comment repartir au combat en 2022 dans ces conditions ? La meilleure des solutions reste celle qui se profilait encore récemment. C’est-à-dire ne pas avoir d’adversaire ni à droite, ni à gauche et miser sur un second tour contre Le Pen (RN). Toutefois, le risque de voir un candidat trouble-fête écarter Macron au premier tour de la Présidentielle 2022 n’est pas nul. Dans ce contexte, la candidature de Michel Barnier, aussi fade puisse-t-elle paraître, peut s’avérer être une vraie menace pour Macron. Un article du journal Le Monde, quotidien très « Macron-compatible » s’il en est, évoquait le double défi de Macron à s’inventer un bilan et de tracer des voies pour 2022. On y apprend qu’il envisagerait de jouer sur l’idée d’opposer d’un côté ses détracteurs accusés de vouloir jouer sur la colère sociale et de l’autre son propre camp qui revendique une sortie de crise positive. Soit. Mais alors que la lassitude des opinions publiques européennes, et tout particulièrement française, se fait sentir, c’est là une stratégie qui n’est pas sans risque. Soulignons, dans un élan de charité chrétienne, que Jupiter s’en est plutôt bien tiré électoralement, si l’on met de côté les élections locales pour lesquelles il n’avait pas d’ancrage. Les élections européennes, en pleine crise des Gilets jaunes, ont tout de même vu sa majorité arriver en seconde position avec une candidate taillée pour perdre : Nathalie Loiseau.
En matière électorale, Macron fait comme en matière de restriction des libertés : il jauge l’opinion avant d’agir. Ainsi, la récente polémique au sujet de l’islamo-gauchisme offre l’opportunité de voir comment réagissent ses troupes – ministres et députés – et son électorat. La question écologique, face à laquelle il n’a pas su trouver sa place est, elle, largement poussée par les médias et un petit écosystème associatif, mais ne pèsera probablement pas, ou à la marge, pour 2022. L’éclaircie électorale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) aux dernières Européennes puis aux Municipales peinera sans doute à se transformer à l’élection – le scrutin n’étant pas taillé pour eux – ceux-ci ne disposant pas de bonnes figures à faire valoir. Les écologistes peuvent grappiller des voix à la majorité en présentant un candidat se rapprochant du centre mais, généralement, l’appareil du Parti préfère toujours des candidats plus ou moins gauchistes.
Plus que jamais l’année 2022 sera dominée par l’incertitude. L’évolution de la crise sanitaire et l’émergence d’une « tête » concurrente à droite pourrait rebattre les cartes à l’image de la candidature Barnier qui aurait le mérite de dépasser possiblement Macron par son centre et par sa droite. En tout cas, difficile d’imaginer pour l’heure le mourant Parti Socialiste ressusciter de ses cendres tant le Parti de François Mitterrand semble partir de loin. En revanche, une candidature commune avec les Verts pourrait permettre d’assécher de nombreuses voix à la majorité en occupant un espace entre Mélenchon et Macron. Là encore, un tel scénario, presque risible, profiterait à une candidature Barnier.
Pour le moment, seule Le Pen semble à peu près sûre de passer le premier tour des élections. Derrière elle, la course sera acharnée puisque quiconque l’affrontera au second tour est promis par la majorité des médias au ticket gagnant pour l’Élysée, à moins d’un coup de théâtre. Mis en danger sur sa gauche avec une possible union des socialistes avec les écologistes, sur son centre droit avec la possible candidature Barnier, Macron semble préoccupé par son hypothétique duel avec Le Pen, rêvant ainsi de rejouer le tour de 2017 et espérant que personne ne vienne troubler ce match à deux. Aujourd’hui cette rivalité n’est plus nécessairement garantie. Macron devra manœuvrer intelligemment pour rester en place… ce qui n’est pas gagné.
