Et si le monde d’avant prenait sa revanche ? Un étrange mouvement de balancier pourrait remettre en selle un vieil étalon de la politique. A ce petit jeu, un nom revient avec insistance. Celui d’un membre démissionnaire du Siècle, Michel Barnier.
Eternel gendre idéal, sorte de François Baroin dans 20 ans, Michel Barnier est la nouvelle valeur montante au loto des présidentiables. La droite, à la recherche d’un candidat pouvant concurrencer l’actuel pensionnaire de l’Elysée pour 2022, se trouve aujourd’hui devant un choix cornélien : proposer un candidat qui assèche l’électorat de Marine Le Pen en rejouant le numéro de Nicolas Sarkozy en 2007, ou doubler Macron sur son centre. Une stratégie qui pourrait s’avérer gagnante mais qui condamne presque la droite parlementaire en cas d’échec.
Le choix d’un candidat droitier ne semble pas aujourd’hui avoir les faveurs de l’appareil du parti. Et si la carte de l’expérience pourrait être préférée à celle de la fougue, pour cela Michel Barnier apparaît comme un candidat approprié. Mis sur le devant de la scène à la faveur du Brexit, dont il a conduit les négociations, ce personnage du centre droit a presque tout fait dans la vie politique : président de conseil général, député, eurodéputé, sénateur, commissaire européen, ministre sous François Mitterrand avec Édouard Balladur, sous Jacques Chirac avec Jean-Pierre Raffarin et sous Nicolas Sarkozy avec François Fillon… Ce pionnier dans la question environnementale abordera très tôt le sujet, dès les années 1990. L’homme aura été ministre de l’écologie mais aussi de la culture et des affaires européennes.
Michel Barnier s’active en ce moment à rencontrer de nombreuses personnalités du parti Les Républicains (LR), dont les sénateurs qu’il a déjà croisés. Il ira bientôt à la rencontre des députés de son parti, le 16 février prochain ; des députés qui seront moins faciles à séduire mais qu’il conviendra de manier avec des pincettes pour aller plus loin. On dit qu’il chercherait un « pied-à-terre » pour travailler à Paris. Petit bureau ou véritable QG de campagne, les pronostics vont déjà bon train. Il aurait aussi déjà déposé les statuts d’un micro parti et dirait vouloir apporter sa pierre à l’édifice pour 2022. Un article dans Gala (2009) le dépeignait sans surprise comme l’anti-star parfaite avec sa formule choc de l’époque : « Restons pro’ et sympa ». Un slogan aux antipodes de ce qu’affiche aujourd’hui la macronie et qui pourrait possiblement plaire par les temps qui courent.
Ancien élève de la célèbre Ecole Supérieure de Commerce de Paris (ESCP), l’une des trois premières écoles de commerce de France, Michel Barnier a côtoyé un certain Jean-Pierre Raffarin durant ses études. Homme discret mais besogneux, il possède à son palmarès la campagne pour les JO d’Albertville de 1992 et quelques passages dans des ministères et assemblées où il n’a laissé qu’un vague souvenir et où il n’aura pas fait de scandale.
En matière d’entourage, son épouse Isabelle Altmayer était une conseillère proche de Roselyne Bachelot. Il s’est distingué par le passé en œuvrant pour la libération des journalistes Christian Chesneau, Georges Malbrunot puis Florence Aubenas, tous trois otages en Irak. Amateur de jazz, ce qui offre un effet « stylé », son principal défaut pourrait être sa principale qualité : il est âgé de 70 ans. Un élément qui le démarque clairement de Macron et qui pourrait le servir notamment auprès d’un électorat âgé que le président En Marche ! a largement amadoué au cours des dernières années écoulées. Fidèle de la droite, Michel Barnier a commencé à l’UDR (1965) sous de Gaulle, douze ans avant la naissance du petit Emmanuel (Macron). Hypothèse folle, peut-être, mais pas complètement stupide, dans une époque où les surprises politiques sont légions, Michèle Barnier, européiste à la sauce Bruxelloise et atlantiste modéré, pourrait en quelque sorte apparaître comme une alternative à un président jeunot qui semble désormais perçu comme agaçant voire très arrogant. Et si le fond de sa pensée ne doit pas fondamentalement changer de celle de Macron, sa méthode serait probablement moins maladroite. Oui, Michel Barnier a une petite fenêtre de tir pour 2022…