Jérôme Pécresse, l’époux de la candidate à l’élection présidentielle, pourrait être un poids dans la campagne menée par Les Républicains, mais un atout majeur dans « l’après » élection. [Explications]
Jérôme Pécresse qui s’est dit prêt à gérer « les enfants et la cuisine » dans les colonnes de La Dépêche du Midi, si sa femme Valérie est élue, a pu compter jadis sur les soutiens multiples de son épouse. Ce polytechnicien âgé de 54 ans, marié à Valérie Roux en 1994, voit 17 ans plus tard (en 2011) le vent tourner en sa faveur. En effet, M. Pécresse vient d’être nommé à la fois président de la branche des énergies renouvelables et Vice-président exécutif du fleuron industriel français Alstom. Il travaille alors à vouloir mesurer son ambition débordante dans l’ouverture d’une usine afin d’y fabriquer et vendre des éoliennes offshore. Problème, le dernier appel d’offre lancé l’année précédente prend l’eau et il faut fournir des dizaines de millions d’euros pour développer une nouvelle turbine que ni Alstom, ni EDF – également partie prenante – n’ont l’intention de financer.
A moins que Jérôme Pécresse ne connaisse une bonne « âme » qui possède la clé du coffre-fort de l’Etat !? Coup de bol, Valérie vient d’être nommée ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État sous le quinquennat Sarkozy. Et POUM ! Comme par magie, tous les obstacles s’évanouissent les uns après les autres devant Alstom. Durant des mois, les représentants du cabinet de Mme Pécresse vont s’activer à soutenir le principe d’un investissement massif dans l’éolien en mer, alors que les autres ministères compétents freinent les quatre fers. L’appel d’offre serait finalement de 10 milliards d’euros, dont près de 70 % pour les industriels. Un déblocage soudain qui a coûté « un pognon de dingue » à l’État mais qui permet à Jérôme Pécresse d’asseoir sa position de grand manitou au sein d’Alstom.
En 2016, la branche énergie de la multinationale française passe sous pavillon américain chez General Electric. Un rachat largement autorisé par Emmanuel Macron, à l’époque ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique au sein du gouvernement Hollande.
Vient ensuite l’heure des adieux. Le géant américain vire tous les cadres d’Alstom ; tous sauf un : Jérôme Pécresse, promu PDG de la filière des énergies renouvelables. Quelques mois plus tard, l’homme prendra la décision de licencier pas moins de 500 employés en Île-de-France ; région où sa compagne Valérie est fraîchement élue pour lutter contre le chômage. Selon l’hebdomadaire Marianne, Jérôme Pécresse se serait même « arrangé » avec Macron pour étouffer l’affaire.
Aujourd’hui, si General Electric compte revendre l’ancienne filière énergie d’Alstom, passée entre-temps à la lessiveuse des restructurations et des délocalisations, ce désastre avec précédents dans l’industrie française tisse désormais un lien étroit opaque entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron. Le pouvoir partagé est un pouvoir naissant.
Alstom – General Electric : un rachat brumeux
Dans une lettre de quatre pages datée du 14 janvier 2019 et adressée au procureur de la République, Olivier Marleix, député Eurélien (LR) s’interrogeait en deux points sur ce rachat: l’absence de poursuites pénales contre Alstom en France alors que l’entreprise avait reconnu des faits de corruption dans plusieurs pays entre 2000 et 2011, et l’hypothèse, dans le cadre de la vente de la filière énergie d’Alstom à General Electric, d’un possible « pacte de corruption » (c’est le terme qu’il employait), au bénéfice du ministre de l’Economie en poste lors de la signature finale, le 4 novembre 2014, Emmanuel Macron.
Ces questions qui taraudaient le député Marleix, attendaient des réponses. C’est pourquoi il avait transmis au parquet l’ensemble des informations et des documents en sa possession, expliquait-il. Au même moment, dans un livre intitulé Le Piège américain (éd. JC Lattès), Frédéric Pierucci, président de la filière chaudière d’Alstom, était revenu, lui aussi, sur cette vente et sur son arrestation en 2013 à New York par le FBI pour une affaire de corruption en Indonésie. Pour lui, il ne faisait aucun doute que les deux affaires étaient liées :
Toute cette histoire, mon incarcération, l’enquête du DoJ [Department of Justice – ministère de la justice] lancée depuis 2010, n’avait-elle qu’un but : s’emparer d’Alstom en faisant pression sur Patrick Kron [ancien PDG d’Alstom] ?
se demande-t-il dans une interview accordée au quotidien Le Monde.
On pourrait en faire une série à suspense ou un roman à tiroirs, il n’empêche que les députés, à la demande du groupe Les Républicains, avaient décidé d’en faire une commission d’enquête. Après la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric, Messieurs Marleix (LR) et Guillaume Kasbarian (LREM) avaient finalement rendu leurs conclusions sur ce dossier en 2018 :
La plupart des zones d’ombres ont été éclairées et des défaillances mises en évidence
avait répondu Olivier Marleix, alors président de cette commission.
Mettant fin à toutes suspicions, il proposait même avec son collègue des mesures pour mieux défendre, à l’avenir, l’industrie française et davantage contrôler les investissements étrangers. Telle une girouette, depuis le 4 janvier dernier M. Marleix a sagement intégré l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. Le silence oblitère tout. Alain Minc, l’ancien conseiller politique d’Emmanuel Macron a annoncé qu’il soutenait, lui aussi, Valérie Pécresse, à cause des difficultés qu’il prédit au parti de la majorité présidentielle lors des prochaines élections législatives. Mais c’est finalement là que l’alliance entre La République En Marche ! et Les Républicains serait la plus utile. À eux deux, Mme Pécresse et Monsieur Macron, bonnet blanc et blanc bonnet, sont assurés d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale en juin 2022. Une escroquerie politique bel et bien En Marche !