La gestion qualifiée «d’opaque» du «Fonds Marianne», projet de promotion des «valeurs de la République» lancé en avril 2021 par Marlène Schiappa, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, fait polémique après une série de révélations sur l’utilisation des subventions allouées.

Le «Fonds Marianne pour la République» a vu le jour en avril 2021, après l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité le 16 octobre 2020 par un jeune homme radicalisé.
Doté de 2,5 millions d’euros, il vise à «financer des personnes et associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes», affirmait Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté et à l’initiative du projet.
L’objectif est de «mieux lutter contre les contenus terroristes», notamment sur Internet et les réseaux sociaux, pas seulement en les supprimant mais aussi en agissant pour leur «apporter la contradiction» et «démentir les «fake new» qui font le lit de l’islamisme radical».
Qu’est-il reproché exactement ?
Confiée au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), la procédure de sélection des associations subventionnées a été extrêmement rapide. Dès juin 2021, le CIPDR annonçait que 17 dossiers étaient retenus pour un montant global de 2,017 millions d’euros au total.
Pour des «raisons de sécurité», la liste des bénéficiaires a été gardée secrète mais, d’après l’enquête de nos confrères de Marianne et France 2, quatre structures se partageraient à elles seules 1,3 million d’euros. La principale bénéficiaire, à hauteur de 355.000 euros, serait l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), une association née à la fin du XIXe siècle. La mission confiée à l’USEPPM consistait «à déployer un contenu multimédia, un message positif de réenchantement des valeurs de la république», selon la convention de subvention consultée par les deux médias.
Mais l’argent n’aurait servi qu’à alimenter un site internet et des publications très peu suivies sur les réseaux sociaux, ainsi qu’à salarier deux ex-dirigeants de l’USEPPM.
Selon plusieurs sources, une structure baptisée «Reconstruire le commun» a elle touché plus de 300.000 euros alors qu’elle venait d’être créée et n’avait «aucune activité connue». Cette dernière a notamment publié des contenus attaquant plusieurs personnalités de gauche.
Les réactions sont légions
Devant une telle polémique la famille de Samuel Paty s’est dite «particulièrement heurtée», estimant que «le nom de Samuel Paty ne peut en aucun cas et en aucune manière être l’instrument de tels agissements».
De son côté, le président de la commission des Finances du Sénat, le socialiste Claude Raynal, a demandé au gouvernement de lui fournir au plus tard ce mercredi 19 avril l’ensemble des documents concernant le «Fonds Marianne», recevant le soutien de son homologue de l’Assemblée nationale Eric Coquerel (LFI) qui fera la même demande.
La maire de Paris Anne Hidalgo et la présidente des députés LFI Mathilde Panot ont-elles annoncé saisir la procureure de la République.
En réponse, le cabinet de Marlène Schiappa a indiqué que «parler de détournement d’objet ou de financement de campagne» était «faux et mensonger», ajoutant qu’une enquête administrative de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) «permettra de faire toute la lumière et de déterminer les conditions de fonctionnement et d’attribution de ces subventions».
La principale association mise en cause, l’USEPPM se retourne elle contre ses deux anciens dirigeants, selon l’avocat de la nouvelle direction, Maître Cyril Fergon. Celui-ci a notamment déclaré que rémunérer les dirigeants entrerait en contradiction avec les statuts de l’association. L’affaire ne fait que commencer.