GASTRONOMIE I Chaque début de printemps, trois jours durant, Omnivore, festival de la jeune cuisine, fait frémir le Tout-Paris de la gastronomie. Cette année, Luc Dubanchet son fondateur a fêté ses 15 ans : une adolescence que la manifestation affichait belle !

De ces trois jours de démonstrations, où chefs et pâtissiers ont proposé de jolis tours (de magie, pas de passe-passe !, Ndlr), où les artisans sont venus présenter leurs magnifiques produits et où les débats ont fait rage autour du futur de notre cuisine, on peut tirer quelques fils conducteurs : les racines, l’appropriation des goûts et des techniques, et la simplicité.
Les racines – Un retour aux racines libre et joyeux, jamais recroquevillé sur un passé affadi. Non, nos chefs, de France ou d’ailleurs, ont défendu bec et ongles leur besoin viscéral de retenir le meilleur de ce qui les entoure, et donc forcément de saison. Ainsi Florent Ladeyn, venu avec Odile, sa jeune mamie de 80 ans -une véritable bête de scène-, travaille-t-il avec bonheur les produits de son Nord, et affirme-t-il que quand il n’y a pas de tomates, eh bien on met du vin ! Le Bruxellois Christophe Hardiquet, lui, a passé au crible toutes les recettes de la cuisine populaire de son pays -il ne supporte pas de manger la même chose partout dans le monde : le wagyu sur toutes les tables, non -pour en donner une relecture moderne. Tim Spedding, pour sa part, a quitté Londres pour les Cornouailles où il a retrouvé, en version locale, les produits qu’il a cuisinés ailleurs, comme le délicieux porc mangalica, un joli cochon frisé comme un mouton.
S’approprier les saveurs d’ailleurs – Sébastien Bras, lui, a travaillé au Japon, et en a ramené le goût du miso -beaucoup de chefs ont utilisé cette pâte de soja fermentée cette année, comme par exemple Medhi Brunet-Benkritly, du restaurant Marconi à Montréal, qui fait macérer les grosses têtes de saumon sauvage dans un miso maison, avant de les rôtir et de les servir telles quelles. Mais, en cette époque de cuisine durable, l’idée d’importer son miso du Japon a semblé tout à fait irréaliste à Sébastien. Il a donc réalisé le sien, en travaillant la lentille blonde de La Planèze, à deux pas de chez lui. Harry Cummins, quant à lui, chef de La Mercerie -qui vient d’ouvrir à Marseille-, prépare un chawanmushi (sorte de flan japonais salé), avec un dashi, le traditionnel bouillon japonais, fait maison, qu’il garnit d’oursins de Méditerranée, bien sûr.

La simplicité – Chez les Troigros, c’est la simplicité qui doit primer : peu d’ingrédients, sans chichis ni complications, comme cette feuille de chou croustillante qui cache des escargots au beurre, un condiment orange-curry et des navets marinés. Quant à Mathieu Rostaing-Taillard, du Café Sillon à Lyon, il se concentre sur l’essentiel, le goût, et pas sur la belle assiette, dont je ne supporte plus la décoration de fleurs ou de pousses. Chez le talentueux Pascal Barbot, de l’Astrance à Paris, et son millefeuilles foie gras-champignons-pomme verte ; ou la fleur d’hibiscus vinaigrée au crémeux fruits rouges-hibiscus et gel jus d’orange-Campari, une merveille salé-sucrée du chef mexicain Oswaldo Oliva. Cette succession d’explorations et de relectures a quelque chose de réjouissant, qui donne grandement envie d’être, vite, vite en 2019, pour la prochaine édition…