Chaque année, Omnivore présente à Paris une esquisse de la jeune cuisine mondiale. À 16 ans, en pleine crise d’adolescence, le festival a proposé un panorama joyeux de la cuisine française mais aussi -et c’est particulièrement passionnant-, celle venue d’ailleurs.

Se sont retrouvés ici pêle-mêle des représentant(e)s du Québec, du Mexique, de Suède, de Grande-Bretagne… Et en particulier de Hollande, invitée d’honneur de cette nouvelle édition. Les Pays-Bas, l’autre pays de la gastronomie ? Et pourquoi pas ! L’an passé, l’accent était surtout mis sur un retour généralisé aux racines. 2019 propose la suite prévisible: le consommer local. Sans aller jusqu’à l’extrémisme de certains -tel le Suédois Jacob Holmstrom du restaurant Gastrologik, qui refuse chocolat ou vanille, pour se limiter aux productions des artisans locaux-, les chefs invités ont tous su affirmer leur prise de conscience des dangers pesant sur la planète, impliquant ainsi l’utilisation militante du local, excluant OGM et pesticides, et mettant en lumière le comment et le pourquoi de la pêche et de l’élevage. De ce fait, le talentueux Alexandre Mazzia tient-il ses maraîchers pour la colonne vertébrale de son restaurant. Chef du Manitoba à Montréal, Simon Mathis, après avoir étudié la vie amérindienne constituée de chasse et de pêche, cuisine aujourd’hui… le phoque !
Parce qu’il faut le chasser: il pullule et dévaste les ressources halieutiques.
Cuit au bleu, il le nappe de beurre fondu fumé, l’accompagne de sarrasin, de thé du Labrador -plante locale aux multiples vertus-, d’armoise et de fleurs séchées. Sans oublier Guillaume de Beer, du restaurant Maris Piper à Amsterdam, qui cuisine sous vide la seiche -omniprésente en mer du Nord et beaucoup moins starisée que le calmar-, parfumée au safran, puis finement tranchée et mise en brochette avant d’être grillée sur des charbons de bois.
Simple et antigaspi
Quant aux produits de luxe, on les laissera à d’autres. Le travail d’une carotte entre les mains de Glen Viel à L’Outau de Baumanière, est simplement époustouflant: déshydratée, son jus réduit, sa pulpe travaillée comme une purée associée à l’amertume d’un pamplemousse, la carotte devient intense en goût et en couleur. On mentionnera aussi Manon Fleury, du restaurant Le Mermoz (Paris, IXe), qui déroule son menu autour du champignon de Paris, en thé de bienvenue et en plat végétarien et qui ne jette rien (il faut le préciser, Ndlr) ses keftas de poisson sont préparées avec tous les morceaux non nobles (queues, ventre, tête).
Atteindre la simplicité en cuisine relève d’un long apprentissage: Emmanuel Renaut du restaurant Flocons de sel, à Megève, en fait une brillante démonstration avec un financier aux asperges qui ne demande rien que d’exceptionnels produits. Quant au chocolatier Pierre Marcolini, le chef a décidé d’utiliser la cabosse de cacao, traditionnellement jetée ou éparpillée aux pieds des arbres, pour en faire des chips sucrées et légèrement citronnées, de la purée, des infusions… Syrco Bakker, du restaurant Pure C, ne travaille pour sa part que les poissons méconnus de la mer du Nord qui baigne son établissement, histoire de les faire découvrir aux clients et aux autres cuisiniers, de former et d’éduquer.
La santé du corps et de l’esprit
Sofia Cortina, cheffe pâtissière de l’hôtel Carlota, explique comment elle a surmonté, grâce à Pierre Hermé, une addiction au sucre, transmise de manière tout à fait traditionnelle par sa mère:
Il peut manquer de la viande sur la table, lui disait cette dernière, mais certainement pas de dessert.
Après son séjour chez Hermé, Sofia est retournée dans son Mexique natal avec une seule idée en tête: faire des desserts sans sucre. Pour cela, elle utilise le sucre naturellement contenu dans les fruits, ne s’autorisant qu’un voile de sucre de canne pour caraméliser ici ou là, une tarte, un entremet… Mais nourrir son corps ne va pas, pour cette génération, sans nourriture de l’esprit. Finie la vaisselle achetée aux fabricants classiques. Les chefs font désormais appel aux céramistes de leur entourage. Ainsi Jean-Michel Carette, chef du restaurant Aux Terrasses à Tournus, a-t-il retenu les créations sur mesure de la potière Isabelle Rouaze. Mieux encore, exemplaire même -extrême ?-, Joris Bijdendijk, chef du Rijks, établissement niché au sein du Rijksmuseum d’Amsterdam, a fait fabriquer sa vaisselle par des artisans avec comme matière première sable et terre récupérés des travaux de restauration du musée -tout en utilisant le bois écarté pour créer toutes sortes d’objets pour son restaurant. Locale, responsable, novatrice… oui, la jeune cuisine mondiale est on ne peut plus ancrée dans la tradition !
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