Dans son nouveau roman « Fugue américaine », le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, se laisse aller à un passage érotique, obligeant le gouvernement à s’expliquer à nouveau sur son image et sa communication.

Après Marlène Schiappa dans les pages, qu’on espère collées, de Playboy, voici les écrits érotiques de Bruno Le Maire. Suscitant les railleries justifiées sur les réseaux sociaux, le nouveau roman du ministre des Finances oblige une nouvelle fois le gouvernement à s’expliquer sur son image et sa communication discutable. Avant de « bander », il faut savoir se faire désirer.
Présents dans les médias pour commenter la crise politique et sociale au milieu d’une mobilisation du 1er-Mai particulièrement violente contre la réforme des retraites, les responsables de la majorité n’ont pas échappé aux questions sur la page la plus crue du dernier opus du ministre écrivain.
« Ça montre que derrière les costumes de ministres, on nous le reproche parfois, il y a des sentiments », a répondu tel un enfant de chœur qu’il n’est pas, le ministre du Travail Olivier Dussopt, un peu embarrassé (tout de même). Il a concédé ne pas avoir lu le livre, mais seulement le passage érotique qui l’a « fait sourire ». Nous sommes bien avancé.
Fugue américaine, le dernier roman de Bruno le Maire (aux éditions Gallimard), est sorti en librairie jeudi dernier. Il est consacré au pianiste Vladimir Horowitz, à travers l’histoire de deux frères, Franz et Oskar Wertheimer, qui font un voyage à Cuba pour assister à l’un de ses concerts et dont la vie s’en trouve bouleversée.
Mais c’est une page de ce livre qui fout la trique à certains, celle où une des protagonistes du roman décrit une excitation sexuelle extrême dans les termes les plus explicites. Evidemment, ces lignes ont fait le tour des réseaux sociaux, suscitant une abondance de sarcasmes et de moqueries, et ainsi se faire battre à coup de verges.
Et elles ont relancé un questionnement politique. Le gouvernement n’est-il pas en décalage avec l’hypersensibilité des Français suscitée par la crise des retraites, marquée par de nouvelles manifestations lundi à l’occasion du 1er Mai ?
L’opposition houspille, sermonne, mais sans excitations
Pour le député La France insoumise (LFI) François Ruffin, le ministre des Finances ne devrait pas avoir « une minute, une heure, une semaine de son temps à consacrer à l’écriture d’un livre » lorsque les Français connaissent « de gros soucis sur l’inflation ».
Hasard des calendriers, la publication de l’ouvrage de Bruno Le Maire a coïncidé à quelques heures près avec l’annonce de la dégradation de la note financière de la France par l’agence américaine Fitch. L’élu Insoumis a fait le parallèle avec la controverse issue de l’ interview récente de la secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire Marlène Schiappa, accordée au magazine Playboy. « Ça se ressemble », a-t-il noté.
L’apparition de la ministre en une du magazine « porno », photos à l’appui, avait mécontenté la Première ministre Élisabeth Borne, qui l’avait « rappelée à l’ordre ». Un euphémisme ? Elle risquait de donner l’impression d’un gouvernement dispersé dans sa communication. S’y ajoutait l’effet déstabilisant d’un entretien donné fin mars par Macron au journal… Pif ! Y’avait un gadget ?
Le Maire assume la « liberté » de la « création littéraire », et les Français dans tout ça ?
Auteur de treize livres, dont cinq ces quatre dernières années, Bruno Le Maire revendique cette double carrière, politique et littéraire. « S’il n’y avait que la politique sans cette liberté que donne la création littéraire et romanesque, la politique ne suffirait pas », expliquait-il la semaine dernière dans un entretien.
« Il organise son temps comme il veut », a estimé sur LCI le patron du Modem François Bayrou, rappelant qu’il avait lui aussi écrit des livres pendant qu’il occupait des fonctions ministérielles. Le leader centriste n’a pas dit s’il lirait Fugue américaine. Il s’est bien gardé de se prononcer sur la qualité littéraire de l’ouvrage. Apparemment, l’ouvrage ne fait pas « bander » tout le monde.