La température à la surface du globe continue d’augmenter. Le GIEC prévoit un réchauffement planétaire de 1,5°C d’ici 2030 par rapport à l’ère préindustrielle. Même en limitant cette augmentation, une question se pose : est-ce que l’humanité sera capable de survivre à la chaleur ?
Depuis l’Accord de Paris en 2015, l’espoir de limiter le réchauffement climatique à + 1,5°C paraît de plus en plus inatteignable. Même en limitant ce réchauffement, les températures pourront fortement augmenter dans certaines régions du globe. C’est ce qu’indique le premier volet du 6e rapport du GIEC.
Face à ces augmentations, l’humain sera-t-il capable de supporter la chaleur ? Pour tenter d’y répondre, il faut d’abord comprendre comment fonctionne la régulation de la température de notre corps.
Comment la chaleur est-elle produite par notre corps ?
Notre corps produit tout seul de la chaleur, même au repos. On dit que l’humain est endotherme puisque cette chaleur est générée de manière interne, grâce au métabolisme, nous explique Florian Beignon, Dr. au laboratoire MitoVasc (CNRS UMR 6015, INSERM U1083). « Le métabolisme regroupe tous les processus qui permettent d’assimiler les nutriments de notre alimentation afin de les transformer en énergie pour le corps notamment grâce à la respiration cellulaire. »
Lorsque nous mangeons, nous assimilons des sucres et lipides qui vont être dégradés en différentes molécules. Elles permettent d’alimenter le fonctionnement des mitochondries, les centrales énergétiques des cellules. Ces petits organites vont produire de l’énergie lors de la respiration cellulaire, ce qui va dégager de la chaleur.
Les stratégies pour réguler notre température corporelle
Pour maintenir notre organisme à la température de 37°C, nous avons différentes stratégies possibles de régulation par les thermo-effecteurs. Ce sont les mécanismes qui permettent d’éliminer ou de produire plus ou moins de la chaleur dans notre corps.
Le thermo-effecteur qui va être sollicité en premier chez l’humain est l’évitement, détaille Florian Beignon « Les réponses comportementales font parties de la thermorégulation chez l’Homme. Si vous êtes à l’extérieur et que vous avez chaud, votre premier réflexe est d’aller à l’ombre pour vous rafraîchir ».
Le second thermo-effecteur se régule en fonction de la chaleur : c’est le tonus vasomoteur. En fonction de la température extérieure, les vaisseaux des tissus périphériques vont adapter leur diamètre et ainsi modifier la circulation sanguine. Lorsque la température extérieure augmente, ces vaisseaux vont avoir tendance à augmenter leur diamètre : c’est la vasodilatation. Cela favorise la circulation sanguine dans les tissus périphériques ce qui permet d’augmenter l’élimination de chaleur.
Quand il fait chaud, nous avons également tendance à beaucoup transpirer. En effet, la sudation est un autre thermo-effecteur, qui est le plus efficace pour refroidir le corps, affirme Florian Beignon « C’est le seul mécanisme qui est capable de réduire la température de votre corps et de la diffuser vers l’extérieur, même lorsque la température de l’air dépasse celle de notre organisme »
Cette sueur est sécrétée par les glandes sudoripares au niveau de la peau. Elle va absorber la chaleur du corps en excès et se vaporiser. Le seul désavantage de la transpiration est qu’elle est très couteuse en eau.
Le taux d’humidité impacte notre thermorégulation
Malgré tout, il ne faut pas prendre en compte seulement la température extérieure pour étudier cette régulation. En effet, les climats dans les différentes régions du globe sont différents non seulement par leur température mais également par leur taux d’humidité dans l’air. L’humidité joue donc un rôle dans l’élimination de la chaleur de notre organisme vers l’extérieur, nous explique Florian Beignon « Si on est dans un milieu saturé en humidité, notre sueur ne va pas pouvoir se vaporiser et on va être incapable d’éliminer notre chaleur interne par sudation ».
A titre d’exemple, dans un milieu saturé en humidité, entre 90 et 100%, l’humain ne peut survivre indéfiniment au-delà de 35°C. Alors que la survie dans un environnement sec à 50°C est possible.
Quant à notre température interne, elle est optimale à 37°C et nous ne pouvons survivre au-delà d’écarts de plus ou moins 5°C.
Les processus d’accommodation aux augmentations de température
Pour s’adapter à l’augmentation des températures extérieures, nous allons devoir rendre notre système de régulation encore plus efficace. Notre organisme est déjà capable de s’adapter à des variations (raisonnables) de température de son environnement. Il existe deux processus d’accommodation du corps aux changements de température : l’acclimatation et l’adaptation.
L’acclimatation est un processus réversible, nous explique Florian Beignon « Si vous vivez en France dans un climat tempéré et que vous allez vivre dans des pays tropicaux, vous allez avoir du mal à supporter les températures. Mais au bout de plusieurs jours, plusieurs semaines, votre corps va s’acclimater et vous allez avoir des réponses physiologiques qui vont augmenter votre capacité à suer et réduire votre métabolisme basal. Tout cela va limiter votre production de chaleur et augmenter votre perte de chaleur ».
Bien que cela permette au corps de s’adapter rapidement à des changements de température, son efficacité n’en demeure pas moins limitée. Nous ne pouvons en effet pas nous adapter à des variations de températures trop importantes avec ce processus.
L’autre processus est l’adaptation, cette fois-ci irréversible nous explique Florian Beignon « C’est l’adaptation génétique qui repose sur la modification de nos gènes et l’apparition de mutations qui peuvent se répandre dans la population par sélection naturelle. Ce mécanisme a le potentiel de modifier considérablement notre système de thermorégulation ».
Ce mécanisme a donc un potentiel plus important pour nous adapter à des fortes chaleurs. Mais il y a un problème de taille : l’échelle de temps.
Une adaptation physiologique impossible à cette vitesse
Effectivement il y a une incompatibilité entre le temps nécessaire, de l’ordre de plusieurs générations, pour qu’une adaptation génétique apparaisse et se répande dans la population face à la vitesse d’évolution du réchauffement climatique. Le constat est sans appel : l’être humain ne pourra probablement pas s’adapter, au niveau physiologique, à l’augmentation alarmante de la température globale.
Mais ce qu’il faut également prendre en compte, c’est la nature humaine. En effet, nous ne sommes pas comme les oiseaux, qui régulent leur température corporelle par d’autres mécanismes, notamment grâce à un plumage qui sert d’isolant thermique. En revanche, nous avons largement développé un thermo-effecteur : la réponse comportementale.
En effet, au cours de son histoire, l’humain a développé des techniques et technologies pour mieux supporter les changements de température. On peut citer la climatisation, le chauffage, les vêtements, les polaires, l’isolation thermique des bâtiments, etc.
C’est l’hypothèse la plus probable : pour s’adapter au réchauffement climatique, l’humain adoptera probablement une réponse comportementale en développant ou en améliorant les technologies qui permettent de contrôler la température de son environnement ou de son propre organisme, tout en voulant limiter le réchauffement de la planète. Nous sommes encore face à un paradoxe, qui est bien le propre de l’humain.
