Le député (MoDem) Richard Ramos, membre de la majorité présidentielle, a présenté en début d’après-midi un texte en commission des Affaires Européennes à l’Assemblée nationale, afin d’interdire définitivement l’utilisation des nitrites dans la charcuterie française, un conservateur hautement cancérigène. Le député Renaissance de la 5e circonscription de Maine-et-Loire, Denis Masseglia, a refusé de voter le texte qui a été rejeté. [Explications]

Dans l’indifférence presque générale, l’examen d’une proposition de résolution européenne pour interdire les additifs nitrés E250 et E252 dans les produits de charcuterie a été retoquée une quatrième fois, ce mercredi, à l’Assemblée nationale. « Moins de nitrites, mais toujours des nitrites », avance le groupe Renaissance d’Emmanuel Macron. Le gouvernement avait demandé fin mars aux industriels de baisser les doses dans les charcuteries (-20%). Mais selon un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) c’est loin d’être suffisant.
La charcuterie, à consommer avec modération
Nous le savons, la charcuterie est un aliment gras, salé et dérivé de la viande rouge. Il est donc important d’en consommer avec modération. Pas plus de 150 g par semaine comme préconisé par l’Anses.
En 2022, l’Agence française a confirmé que l’ajout de nitrite de sodium E250 et de nitrate de potassium E252 dans la charcuterie donnait naissance à des composés organiques à l’origine de cancers colorectaux. Récemment, une équipe d’épidémiologistes français ont mis en évidence, sur les données de la cohorte NutriNet-Santé, des liens entre les apports alimentaires en nitrites provenant des viandes transformées consommées et des risques plus élevés de cancers, de diabète de type-2 et d’hypertension. Ces derniers jours, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) s’est inquiétée de l’exposition des citoyens des 27 pays de l’Union européenne à certains dérivés de ces additifs (les nitrosamines). Dans ce contexte, un message fort de santé publique était attendu de la part du gouvernement aujourd’hui. Autant souffler dans un violon.
La ligue demande l’interdiction de ces additifs dans la charcuterie. L’industrie est capable de faire du jambon cuit sans sels nitrés, et les recettes sont enseignées dans des centres de formation comme celui d’Aurillac
alerte Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer.
De même des jambons secs, comme le jambon de Parme ou le San Daniele, sont préparés uniquement avec de la viande de porc et du sel. Or, le rapport de l’Anses le précise, 4.300 nouveaux cas de cancers colorectaux par an sont imputables à la cancérogénicité des charcuteries et 1.698 morts sont à déplorer chaque année.
Même son de cloche de la part de Guillaume Coudray, auteur du livre « Cochonneries » ou comment la charcuterie est devenu un poison) qui a mené deux enquêtes sur le sujet :
C’est vraiment un plan de communication qui sert les intérêts des industriels de la charcuterie, et non un plan de santé publique : la plupart des baisses de teneurs en nitrites ou nitrates que le plan annonce correspondent en réalité aux niveaux qui sont déjà pratiqués par les fabricants de charcuterie. Quel cynisme !
Jérôme Santolini, responsable du laboratoire Stress Oxydant et Détoxication au CEA-Saclay, ancien expert à l’Anses, s’inquiète lui aussi :
Les baisses annoncées de 20% de teneurs en additifs pour certaines spécialités de charcuteries sont purement symboliques, en aucun cas elles ne sont adaptées à la consommation des Français.
Il précise :
Les Français consomment beaucoup de charcuteries : une teneur plus faible en additifs n’aura donc aucun impact au regard des quantités avalées par nos contemporains chaque année. De plus, en termes de cancérogénicité, la dose journalière d’exposition (DJE) n’est pas un critère pertinent. Dès le premier gramme d’exposition, le risque de cancer augmente, on ne peut pas établir une valeur seuil minimale.
Au rayon charcuterie, une offre toujours douteuse
La baisse proposée par le gouvernement n’est pas uniforme selon les produits : des produits comme les lardons, qui donnent lieu à l’apparition de nouvelles substances cancérogènes (les nitrosamines) durant la cuisson, auraient dû voir les teneurs grandement baisser précise Guillaume Coudray. De même aucune baisse n’est actée pour les jambons crus, très consommés par les Français.
En revanche, les boudins qui ne contiennent rarement voire jamais d’additifs nitrés, voient les teneurs purement théoriques franchement diminuer… »Cependant, les saucisses de type knack, très appréciées par les jeunes et les familles, ne font l’objet d’aucune interdiction actée » constate de nouveau Guillaume Coudray. L’offre sera donc pour le consommateur de moins en moins lisible. D’autant que les industriels et les artisans ont développé, en plus de la gamme avec additifs nitrés, une gamme sans. Guillaume Coudray donne l’exemple des saucisses de Morteau que certains fabriquent maintenant sans additifs, alors que le cahier des charges de cette appellation de Franche-Comté ne les y oblige pas.
Macron à la solde des lobbyistes ?
En macronie, « les ministres sont à la solde des lobbyistes », accuse le député (MoDem) Richard Ramos. Pourtant, je suis dans la majorité présidentielle, je suis MoDem, déclare le député au micro de RMC. Aujourd’hui, les chercheurs français du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) disent que le nitrite tue. L’Anses, l’agence de santé indépendante, et l’agence européenne disent que ce conservateur tue. Et que font les ministres ? Ils disent: on continue […]
🔴 Interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) April 12, 2023
Suivez l’examen d’une proposition de résolution européenne.#DirectAN https://t.co/APzTUfMoZc
L’agenda du gouvernement est celui des industriels
estime également Richard Ramos.
La seule étude sur laquelle s’appuie le gouvernement a été financée à plus de 2 millions d’euros par les industriels. Le gouvernement n’a même pas l’honnêteté de dire qui paye. Dis-moi qui paye, je te dirai qui est ton maître! C’est insupportable.
Mis aux votes, le texte dans sa redaction initiale a obtenu ce mercredi 12 avril, 9 voix Pour et 10 Contre. La proposition de résolution ayant été rejetée par la macronie, la commission des Affaires Economiques sera saisie sur la proposition de résolution européenne de Richard Ramos en sa version initiale. La santé des Français à un prix. Affaire à suivre.