Durant cette crise sanitaire et la fermeture des cinémas, la rédaction de Quotidien Libre vous propose tous les mercredis une sélection de films disponibles sur les plateformes de streaming ou en VOD.
Moonlight, minorité report – Récompensé à trois reprises (notamment dans la catégorie «meilleur film») aux Oscar 2017, Moonlight raconte la vie d’un jeune noir homosexuel dans un quartier malfamé de Miami. Un portrait en trois temps qui correspond à trois âges de la vie: enfant, adolescent et adulte. Trois ellipses tranchantes. Trois acteurs formidables qui donnent un visage à une souffrance qui ne dit pas son nom. Écrire que Chiron est homosexuel ne rime à rien puisque Moonlight montre avec une délicatesse infinie une identité sexuelle tuée, brimée, refoulée sous les muscles et les codes virils de la masculinité. Barry Jenkins sait ce qu’il filme ; le cinéaste noir est né et a grandi à Liberty. Mais il n’est pas homosexuel. Il a hésité un temps à adapter la pièce de Tarell Alvin McCraney à l’origine de Moonlight. «Certaines histoires méritent d’être racontées à la première personne, admet-il. Chiron et moi avons eu la même enfance. Même quartier, même mère accro au crack et à la cocaïne. Mais je suis hétéro. Je pouvais m’identifier parfaitement à lui, sauf pour tenir la main d’un autre homme dans la rue et subir des regards de haine pour cela. Est-ce que je peux véritablement comprendre ce personnage si je ne peux pas éprouver vraiment ce qu’il ressent? Cette histoire était écrite par un autre et je devais apprendre à connaître cette personne. Je parle de Tarell Alvin McCraney, qui est comme un frère pour moi aujourd’hui. Si je peux garder sa voix, alors je suis peut-être la bonne personne pour raconter cette histoire.» Disponible sur Amazon Prime
Malcolm & Marie, confrontation confinée – Malcolm est réalisateur. Marie est un ancien mannequin qui essaie de percer à Hollywood. Ils reviennent de la première de son film ovationné. Dans l’euphorie du moment, il ne l’a pas remerciée alors que son récit s’inspire en partie de sa vie et de ses addictions à elle. Dans le huis-clos de leur oppressante et somptueuse maison de verre, le couple règle sur ses comptes sur l’amour et le cinéma. Les critiques, la passion, la codépendance prennent cher. Aux dialogues à l’uppercut émotionnel dévastateur se double une colère qui monte crescendo avant de redescendre dans un flux et un reflux d’une intensité bluffante. Né de l’ennui, de l’angoisse, des contraintes générées par le premier confinement, Malcolm et Marie a été imaginé en six jours par Sam Levinson. Le scénariste d’Euphoria, la série choc de HBO sur le mal-être adolescent, confie à sa star Zendaya une partition de rage animale. La comédienne fait bien plus que ses 24 ans et déploie une assurance renversante dans cette bataille d’ego, sublimée par le noir et blanc et des jeux de miroirs hypnotiques. Échappé de Tenet, John David Washington endosse le rôle peu flatteur de l’amoureux autocentré avec une sincérité touchante. Si le coronavirus a mis l’industrie du cinéma à terre, elle lui a aussi donné un petit chef-d’œuvre qui risque de faire parler de lui aux Oscars. Disponible sur Netflix à partir du 5 février
Les Apparences , thriller de Marc Fitoussi – Henri est chef d’orchestre. Eve travaille comme bibliothécaire. Ils reçoivent, sont reçus à leur tour. Dans Les Apparences, on est entre gens cultivés. Le mari passe un peu trop de temps au téléphone. Évidemment, il a une liaison avec l’institutrice de son fils. L’épouse se venge avec un jeune homme survolté qui finit par la harceler sévèrement. Marc Fitoussi a compris qu’une réunion de parents d’élèves résumait un concentré de bile et de névroses. Lætitia Dosch incarne la maîtresse, dans les deux sens du terme. Elle fait ça avec fougue, cache un atout dans sa manche. Benjamin Biolay prend ses airs penchés. Il doit songer à Michel Bouquet dans La Femme infidèle. Certes, Karin Viard n’est pas Stéphane Audran. Elle a des excuses : personne n’est Stéphane Audran. Pourtant, Les Apparences est à voir urgemment. Disponible sur Apple TV+