Jack Lang a dû s’expliquer sur la tribune qu’il a signée en 1977 en compagnie d’autres personnalités.
L’actuel Président de l’Institut du monde arabe, Jack Lang ne pensait peut-être pas commencer la semaine de cette façon, mais il a été rattrapé par son passé sur les ondes d’Europe 1. Interrogé en particulier sur une tribune qu’il a signée en janvier 1977, Jack Lang a bien eu du mal à se défendre alors que le mouvement #MeTooInceste qui veut briser le tabou de la pédocriminalité, fait du bruit sur les réseaux sociaux. S’il reconnaît dans un premier temps que « c’était une connerie », il se justifie par l’ampleur du mouvement à l’époque, dit-il, où ils étaient « très nombreux à signer ça » de Daniel Cohn-Bendit à Michel Foucaud. « C’était l’après Mai-68, nous étions portés par une sorte de vision libertaire, fautive », ajoute l’ancien ministre de la Culture. Mais à la question de notre consoeur Sonia Mabrouk sur la différence entre revendication libertaire et appel à décriminaliser les rapports sexuels sur les enfants, Jack Lang balbutie ses propos.
Je n’ai plus la mémoire exacte mais c’est une pétition qui remonte à plus de 40 ans d’ailleurs, 60 ans peut-être…
C’était il y a 44 ans pour être très exact. Il ajoute cependant : « C’était une connerie, inacceptable ». Cette tribune datée de janvier 1977 avait été publiée dans Le Monde puis Libération. Elle avait été écrite à la suite d’un procès de trois hommes qui étaient jugés pour « attentats à la pudeur sans violence sur mineurs de moins de 15 ans » après avoir filmé et photographié des victimes âgées de 12 ou 13 ans, lors de jeux sexuels. Dedans, il était précisé : « La loi française se contredit lorsqu’elle reconnaît une capacité de discernement à un mineur de 13 ou 14 ans, elle peut juger et condamner alors qu’elle lui refuse cette capacité quand il s’agit de sa vie affective et sexuelle ». Rédigée par Gabriel Matzneff, qui évoquait alors « une simple affaire de ‘mœurs’ », elle avait été signée par 69 personnalités dont Louis Aragon, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Patrice Chéreau, André Glucksmann, Guy Hocquenghem, Bernard Kouchner, Jack Lang, Catherine Millet, Jean-Paul Sartre, René Schérer, Philippe Sollers ou encore Daniel Cohn-Bendit.
Alors, un enfant pourrait-il être consentant ? Face à Sonia Mabrouk, Jack Lang ne parvient pas à trouver de réponse claire : « Nous n’étions pas seuls à dire cela à l’époque. Catherine Dolto le disait même si elle était prudente à professer ce genre d’appréciation. » Et de s’emporter un peu plus tard dans l’interview : « Il y a cinquante ans, on a écrit une connerie. Que dois-je faire ? M’immoler devant vous ? J’ai fait une connerie, et basta, voilà. Depuis, j’ai combattu ce genre de bêtises, l’inceste, la pédophilie et les violences sexuelles. » Or, en janvier dernier, Jack Lang avait pourtant refusé de répondre à certaines questions, alors même que bon nombre des signataires commençaient à revenir sur leurs propos et regrettaient d’avoir signé cette tribune.
Quand Kouchner impliquait Lang
L’année passée, à la suite de la première polémique concernant cette tribune, Bernard Kouchner s’était défendu de manière assez surréaliste, comme l’évoquait Valeurs actuelles. « Sa pétition ? Mais la pétition de Matzneff, je ne l’ai même pas lue ! Daniel Cohn-Bendit et moi l’avons signée parce que Jack Lang nous l’avait demandé […] C’était il y a 40 ans. C’est une énorme erreur. Il y avait derrière une odeur de pédophilie, c’est clair. C’était une connerie absolue. Plus qu’une connerie, une sorte de recherche de l’oppression. »
Visiblement troublé par ces questions, Jack Lang a commis un lapsus quelque peu déroutant, une nouvelle fois interrogé sur la situation actuelle : « Aujourd’hui, nous sommes en lutte contre ces incestes, les atteintes à la pédophilie, les atteintes aux mineurs », ne se rendant même pas compte de son erreur. Revenant aussi sur ses relations avec Jeffrey Epstein, il a décrit avoir rencontré un homme « charmant » et découvert après seulement qu’il était « un salaud ». « On ne va pas pénaliser des gens qui ont été aimables avec des personnes qu’ils trouvaient charmantes, avant de découvrir que c’étaient des ordures », a-t-il conclu.