Alors que le scandale des millions dépensés en conseils douteux troublent la campagne du Candidat., retour sur les liens entre Macron et le cabinet américain. Des liens qui ne datent pas d’hier.
C’est un partenaire particulier de longue date. Depuis les premiers méandres d’Emmanuel Macron en politique, tapis dans l’ombre, on retrouve un nom qui n’est jamais loin: McKinsey. Intitulé comme son fondateur, l’inventeur même du cabinet de conseil, la firme n’aime pas se retrouver sous le feu des projecteurs. En effet, les 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde engrangé par une sorte de « jus de crâne » suscite toujours quelques suspicions. Pourtant les États se plaisent à solliciter la multinationale basée dans le Delaware, un paradis fiscal des États-Unis. C’est d’ailleurs ce cocon qui lui donne une prétendue excuse pour justifier de ne pas avoir payé d’impôts en France depuis au moins 10 ans.
Pourtant quelque 470 consultants sont basés dans l’Hexagone. Et si les prestations des cabinets de conseil ont littéralement explosé sous le quinquennat Macron, l’arrivée de McKinsey dans les arcanes du pouvoir n’est pas si récente. Déjà en 2007, lors de la commission Attali, censée plancher sur la croissance économique, on retrouvait l’agence McKinsey, mais pas seulement. Un jeune énarque du nom d’Emmanuel Macron était également autour de la table tout proche d’Eric Labaye et Karim Tadjeddine deux membres du cabinet américain. Ce dernier est d’ailleurs l’un des deux directeurs délégués entendus par la commission d’enquête du Sénat. Il a notamment été remarqué pour son élocution hasardeuse et des soupçons de faux témoignages:
[…] McKinsey France est enregistrée auprès du registre des sociétés. L’ensemble des contrats de travail est porté par cette société de droit français et l’ensemble du chiffre d’affaires est porté par cette société de droit français. […] Nous sommes organisés en forme de succursale, rapportant à l’entité mère qui est située au Delaware, l’ensemble de nos activités « secteur public » et « secteur privé » et l’ensemble des contrats de travail sont portés par cette société de droit français.
– Est-ce que ça signifie que vous êtes soumis aux impôts français comme n’importe quelle société ?
Bien sûr Monsieur le Président. Et je le dis très nettement, nous payons l’impôt sur les sociétés en France et l’ensemble des salariés qui travaillent sont dans une société de droit français qui payent ses impôts en France.
Il eut été dommage de ne pas profiter d’un tel champion !? Pour autant, notons que Karim Tadjeddine, passé par Polytechnique et les Ponts-et-Chaussées serait un crack en mathématiques financières. Il a d’ailleurs passé quatre ans à Bercy, un peu comme Emmanuel Macron. Un point commun de plus avec la commission Attali où les deux consultants du cabinet américain étaient d’ailleurs fournis à titre gracieux. Mais rappelez-vous, quand c’est gratuit c’est que c’est vous le produit ! En effet, McKinsey avait sans doute tout intérêt à avoir des relais dans la commission Attali pour faire d’innocentes suggestions politiques qui pourraient satisfaire par la suite ses profits. Ça s’appelle de l’influence.
Quand Emmanuel Macron décide de se lancer pour la présidentielle, c’est un certain Guillaume Liegey, ancien employé McKinsey installé dans sa propre société, dans laquelle l’entreprise américaine a d’ailleurs investi, qui s’occupe de collecter les propositions et les données issues des rencontres avec les Français. Ses données auraient ensuite été traitées par deux consultants [McKinsey] après transmission d’un certain Ismaël Emelien, stratège de la campagne et conseiller spécial à l’Élysée jusqu’à l’affaire Benalla en 2019 qui le conduit à la démission.
Dans l’ascension d’Emmanuel Macron, Karim Tadjeddine semble conquis. Il propose même au Candidat. un prêt personnel, solution écartée ensuite mais offrent ses services comme consultant McKinsey. Décidément, on croirait presque que la firme fait de l’humanitaire.
Quoi qu’il en soit, McKinsey n’a jamais voulu préciser si les consultants intervenaient en leur nom ou pour la société américaine. Il faut dire que la philosophie sans frontières ultra libérale de la firme s’accorde bien avec les orientations du jeune premier Macron qui promet de penser « Printemps » aux Français bientôt éborgnés.
Mais ces missions Pro Bono* auprès de Macron ont de quoi surprendre. En effet, la firme n’est pas vraiment connue pour son humanisme. Elle a d’ailleurs été contrainte de verser 470 million de dollars aux États-Unis pour se sortir de l’affaire des opiacés dans laquelle elle avait simplement conseillé la famille propriétaire de Purdue Pharma qui rémunérait des médecins en leur expliquant par le biais de visiteurs médicaux que les opioïdes était sans danger ni accoutumance. 400.000 morts estimés plus tard, nous en sommes pourtant un peu moins sûrs. Mais McKinsey continue toujours d’exceller dans les dossiers de santé publique, il a d’ailleurs souvent œuvré auprès d’hôpitaux. Aucune branches du public ne leur échappe ou presque ; de l’intérêt d’être proche du président avant son élection et surtout pendant.
Ainsi on peut retrouver dans les organigrammes un certain Mathieu Maucort partit de chez McKinsey pour rejoindre la campagne En Marche ! puis œuvré auprès de Mounir Mahjoubi quand il était secrétaire d’État au numérique. Ariane Komorn était également sortie du cabinet américain pour devenir chef du pôle engagement d’En Marche ! Elle en est partie en 2021. Autres anciens de la firme, Paul Midy, Directeur général d’En Marche ! et Marguerite Cazeneuve (sans lien de parenté avec l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve) n°2 de la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (CNAM) chargée du programme santé du candidat Macron à l’époque. Marguerite Cazeneuve continuait d’ailleurs à se rendre dans les bureaux de McKinsey régulièrement, notamment chez Karim Tadjeddine, à un étage strictement interdit aux personnes extérieures.
L’agence McKinsey n’est donc pas seulement le nom d’un cabinet privé étranger, pas seulement le nom d’un potentiel scandale d’évasion fiscale… Non, c’est aussi le nom d’un écosystème qui a colonisé la France avec Emmanuel Macron. Entre influence, copinage et « pognon de dingue », la firme a tissé sa toile partout entre les services publics, au point d’être devenue une sorte d’État dans l’Etat, la convocation dans les urnes en moins. Il reste donc à savoir si en cas de surprise à la présidentielle, il sera encore temps de passer un dernier coup de balai. Pas sûr.
*« pour le bien public »