Un véritable autoportrait documentaire signé Hugues Nancy, où la ville se raconte à la première personne, à travers la voix de Clara Luciani. A (re) découvrir !
Près de deux heures consacrées à l’histoire millénaire de Marseille ne sont pas de trop pour tenter de saisir un peu de la complexité, de l’énergie, des zones d’ombre et de lumière de cette ville immense et si singulière.
Des premiers navires venus de Grèce il y a deux mille six cents ans pour accoster dans un endroit béni des dieux aux plus récents chantiers d’urbanisme, des périodes d’expansion aux épisodes les plus tragiques, du métissage réussi au racisme criminel, tout Marseille se raconte dans ce documentaire signé Hugues Nancy.
Afin d’incarner la ville, l’expérimenté documentariste a fait le choix de l’autoportrait. Marseille raconte ainsi son histoire à la première personne du singulier à travers la voix enveloppante de la chanteuse Clara Luciani. Ce mode narratif, parfois maladroit dans certains documentaires, se révèle réussi dans ce cas précis.
Au-delà des clichés, Marseille s’épanche à travers des animations de qualité pour expliquer ce qu’était la ville dans l’Antiquité, puis sous le règne d’un Louis XIV ou d’un Napoléon III désireux de transformer en profondeur la cité phocéenne, et qui, gigantesques chantiers à l’appui, y parviendront.
Marseille se découvre aussi vue du ciel, ce qui permet de mieux comprendre les bouleversements urbanistiques, l’étendue de son territoire et de souligner la beauté époustouflante de certains lieux. A travers également des archives photographiques qui témoignent d’épisodes souvent tragiques comme les rafles de janvier 1943 et la destruction d’un quartier entier autour de l’hôtel de ville en février de cette même année.
Et puis il y a les archives filmées, pour la plupart colorisées. Un assistant des frères Lumière filme le Vieux-Port dès 1896. De courts passages de films pagnolesques (Marius, en 1931, Fanny, en 1932) alternent avec des extraits de reportages télévisés qui, de la fin des années 1930 à aujourd’hui, filment des réalités marseillaises parfois sombres : guerre des gangs, urbanisme sauvage, rien n’est occulté.
Mais le grand public ne saurait comprendre Marseille sans des témoignages bien choisis. Mission accomplie avec le choix judicieux d’une vingtaine de Marseillais de toutes générations, de tous quartiers, célèbres (Ariane Ascaride et Robert Guédiguian, Macha Makeïeff, Philippe Fragione alias Akhenaton) ou non.
Marseille, terre d’accueil
Face caméra, ils racontent leur enfance, leur vie, leurs aïeux, leur ville en mouvement incessant. « Ce paysage fait mal aux yeux tellement il est beau. Mais il y a une misère telle qu’elle aussi fait mal aux yeux », résume joliment la musicienne Mélanie Egger.
Depuis les années 1950, la ville-monde, autrefois terre d’accueil pour Italiens, Arméniens, juifs de Turquie, Russes blancs, Maghrébins, avant de connaître l’afflux de pieds-noirs d’Algérie en 1962, ne cesse de vivre de profonds changements urbanistiques, économiques, démographiques, culturels.
Des industries locales ont disparu, de grands ensembles d’immeubles collectifs ont poussé au nord, là où, ironie de l’histoire, des décennies avant, les bourgeois venaient prendre le frais dans leurs belles bastides.
Aujourd’hui ? Marseille bouge toujours, comme prise en étau entre fusillades mortelles, pauvreté endémique, dynamisme culturel et embourgeoisement de certains quartiers où l’immobilier affiche des tarifs presque « parisiens » (avec l’accent). Marseille dans les années à venir ? L’histoire reste à écrire, encore et toujours.
« Il était une fois Marseille », documentaire signé Hugues Nancy (110 min). Tous publics. Disponible en replay jusqu’au 5 juin 2022 sur france•tv. Plus de renseignements ici