Une mauvaise nouvelle pour la majorité présidentielle. La contestation de la réforme des retraites qui s’ancre dans le pays depuis bientôt 3 mois semble marquer le retour de l’anti-macronisme dans la rue.

Un symbole de la montée des tensions ? Alors que jeudi a été marqué par une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les slogans ciblant directement Emmanuel Macron se sont multipliés. Des lycéens dans la manifestation parisienne portaient par exemple une pancarte qui illustre un slogan très entendu ces derniers jours dans les mobilisations spontanées le soir: « Louis XVI, on l’a décapité, Macron on peut recommencer ».
Au milieu d’une foule très dense, plusieurs pancartes affichent également la couleur: celle d’une profonde détestation du président. Alexandre, 32 ans et professeur des écoles en banlieue parisienne tient haut sur un carton « Macron le sadique ». Même ambiance pour Michaela qui écrit “on vivra tous mieux quand Macron sera mort – et nos retraites aussi”.
Le 49.3 qui embrase l’atmosphère
Les premières mobilisations contre la réforme tournaient pourtant plutôt autour de slogans visant Olivier Dussopt, le ministre du Travail ou encore Élisabeth Borne avec une phrase qui avait fleuri sur bon nombre de banderoles : « Borne out ».
Mais, depuis le 49.3 et une motion de censure rejetée de peu, on retrouve comme lors des gilets jaunes des mannequins brûlés à l’effigie d’Emmanuel Macron à Paris ou encore la tête du président brandie au bout d’un manche en bois à Châteauroux. De quoi y voir un tournant de la mobilisation plus de 2 mois après les premières journées de grève?
« Les attaques ad hominem sont un grand classique des manifs et quand on attaque une figure politique, on attaque sa dimension institutionnelle donc le président, quel qu’il soit, mais aussi la personne physique, ici Emmanuel Macron », relativise Élodie Mielczareck, spécialiste de la communication. Tout en jugeant cependant que l’interview du président ce mercredi a pu faire basculer l’ambiance dans les rangs des manifestants.
Vous avez eu des amalgames dans ses propos qui délégitiment tout mouvement social. C’est très dur à entendre quand vous croyez sincèrement que la réforme des retraites est injuste
avance encore la sémiologue.
Une interview qui ne passe pas
Relativement discret sur la réforme des retraites ces dernières semaines, Emmanuel Macron a affiché son assurance dans le journal télévisé de 13 heures. Le président, dont la réforme ne convainc ni les syndicats, ni les oppositions, ni les Français de sondages en sondages, s’est dit « prêt à assumer l’impopularité ». Avant d’expliquer n’accepter « ni les factieux, ni les factions dans la République ».
« Je ne connaissais pas ces mots, j’ai regardé dans le dictionnaire. Et là, j’ai vu que ça voulait dire que le président m’accusait de fomenter des troubles violents », s’agace Lola, CPE dans un collège, dans le cortège parisien.
Sa pancarte indique « Macron, les fonctionnaires viendront te chercher ». « Je manifeste régulièrement, je perds des jours de salaire le président résume comme ça mon combat? C’est insupportable », avance encore la fonctionnaire.
Un président « déconnecté, jugé méprisant »
Interrogé sur les difficultés du gouvernement à défendre la réforme, le chef de l’État a encore assuré ne « pas vivre de regret », se disant « convaincu » que les Français « sauront s’unir pour l’avenir du pays ».
« On retrouve des éléments propres aux gilets jaunes avec le sentiment d’un président déconnecté, jugé méprisant. Et d’une certaine façon, le Covid avait anesthésié la colère mais pas la méfiance qui revient en force avec la réforme des retraites », décrypte Arnaud Benedetti, professeur associé à Paris-1.
Dans les rangs de la macronie, où l’inquiétude commence pourtant à poindre sur la suite des réformes, on ne croit pas à un retour des Français sur les ronds-points.
Beaucoup dans les rangs de la majorité présidentielle appliquent la stratégie du dos rond et font le pari de l’essoufflement du mouvement. Avec un espoir: que les syndicats sortent de la contestation une fois la réforme promulguée et que des mobilisations plus éparses et violentes finissent pas perdre le soutien des Français. Le calcul a tout d’un pari: plus de 6 Français sur 10 soutiennent la prolongation du mouvement de grève d’après un sondage Elabe pour BFMTV.