Avec son complice Gérard Davet, le journaliste Fabrice Lhomme a publié « Le Traître et le néant ». Une enquête précise et documentée sur le président Macron et son entourage. A toutes fins utiles et à quelques jours du premier tour de la présidentielle, ce livre réalisé malgré le black-out de l’Élysée est à lire avant d’aller voter.
Il y a dix ans, Sarko m’a tuer pointait les failles d’un quinquennat chaotique. Sept mois plus tard, Nicolas Sarkozy quittait l’Élysée. Il y a cinq ans, Un Président ne devrait pas dire ça… écornait l’image de François Hollande. Quinze jours plus tard, il renonçait à se représenter. C’est dire si le nouvel opus de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Le Traître et le néant, était attendu. Et une fois encore, les deux journalistes du Monde jettent un pavé (638 pages) dans le marigot politique. Nourris de dizaines de témoignages édifiants, cette enquête retrace l’itinéraire d’ Emmanuel Macron, l’enfant gâté de la République, aussi brillant que diabolique.
François Hollande n’est pas rancunier. Ses confidences aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme pour leur livre précédent, Un président ne devrait pas dire ça, avaient facilité sa propre chute. Le voilà qui récidive, prêt à contribuer à la chute d’un autre. Il raconte même aux auteurs du Traître et du Néant, paru chez Fayard, une anecdote qui n’a pas améliorer ses relations avec son successeur – et que conteste l’entourage de l’actuel chef de l’Etat, c’est de coutume.
Lors d’un dîner à la fin du quinquennat précédent, Philae, le labrador de François Hollande, se faisait les dents sur les lunettes de Brigitte Macron et les a déchiqueté. Quelques jours plus tard, rapportent Davet et Lhomme, « Hollande recevra la facture de la paire de lunettes de Brigitte Macron. L’ex-président soupire: »Il faut oser, quand même… »
#France #Présidentielle2022 «Le traître et le néant », c’est le livre à lire avant d’aller voter. Vous saurez tout sur Emmanuel Macron ,y compris comment il a vendu à l’étranger les fleurons de l’industrie française,dont Alstom, y compris les enquêtes judiciaires qui l’entourent. pic.twitter.com/cMhXKmvYgX
— Patrick Champagnac (@PatChampagnac) February 19, 2022
François Hollande ne veut pas dire du mal, mais tout de même… « Quand on a des convictions, vous ne prenez pas Darmanin au ministère de l’Intérieur ! glisse-t-il aux auteurs. Vous prenez un préfet, une personnalité assez forte, pas Darmanin. Mais pour cela il faut avoir de la cohérence politique. » Et puis encore:
Macron n’est rien ! C’est un déguisement successif. Il est tout à la fois, successivement. Un transformiste ! A court terme, c’est une habileté, et un tempérament. Mais à long terme c’est destructeur, car qu’on soutienne ou s’oppose, on a besoin de compréhension, d’avoir un cadre de référence.
Macron incarne le « populisme mondain »
Pierre Moscovici se croit plus malin que les autres, plus malin que François Hollande notamment, et lui aussi tombe dans le piège: les propos d’une grande violence qu’il tient contre Macron ne contribueront pas à apaiser les liens entre le chef de l’Etat et le premier président de la Cour des comptes:
[En réalité] les Français ne l’aiment pas, il ne les connaît pas, il ne leur ressemble pas: populiste de velours… Lui parle de « populisme mondain »
Et le président n’a pas beaucoup plus apprécié: François Baroin décortique à son tour le phénomène Macron, les remises en cause qu’il a suscitées, la déstabilisation qu’il a provoquée et son analyse ne contribue pas à éclairer sous un jour favorable la personnalité, le comportement et les méthodes de l’actuel pensionnaire de l’Elysée.
Ce livre s’assume comme une charge, contre l’homme (le traître) comme contre le macronisme (le néant) qui ne se révèle à l’usage être qu’une « aventure individuelle », ce que Manuel Valls, avec le sens de la formule, résumait jadis ainsi : « Le macronisme a laissé la place à Macron. » Il a rejoint le rang depuis.
Aussi Marlène Schiappa est-elle bien seule à oser lancer:
Je vais dire une phrase que je vais regretter, il a un truc un peu Madonna, un peu Lady Di, vous voyez ?
Certains témoignages, comme celui de Christophe Lannelongue, ex-directeur de l’Agence régionale de santé du Grand Est évincé pour sa gestion de la crise sanitaire, permettent de mesurer l’ampleur des malentendus qui se sont installés au cours du mandat.
Ce qui a manqué le plus dans le leadership de Macron, c’est une vision managériale, moderne, de ceux qui sont sur le terrain. Macron, contrairement à ce qu’il veut bien laisser croire, quand il dit qu’il est l’homme du changement, c’est tout le contraire: c’est l’homme du passé.
Des interrogations, sur le rôle de « l’entremetteuse » Mimi Marchand ou sur les conséquences de la nomination d’Éric Dupond-Moretti à la Chancellerie, nourrissent le procès du quinquennat. De celui qui a prévenu, in cauda venenum: « Je ne veux pas finir comme Hollande. » Pourtant, les apparences peuvent être trompeuses.