Il squatte le petit écran soir et après-midi et fait rire des millions de Français: grâce à des rediffusions à la pelle, Louis de Funès s’impose plus que jamais comme une valeur-refuge, en temps de confinement.

Louis de Funès dans le rôle de l’inspecteur Juve lors du tournage du film « Fantômas se déchaîne » en 1965 I AFP/Archives / AFP
Après avoir réuni 5 millions de spectateurs en plein après-midi devant La grande vadrouille – longtemps film roi du box-office en France avec 17 millions d’entrées, France 2 a récidivé en programmant dimanche dernier Les aventures de Rabbi Jacob, avant La folie des grandeurs et Hibernatus attendus dans les jours prochains. Pas en reste, M6 déroule le tapis rouge le lundi soir, en première et deuxième partie de soirée, au gendarme Ludovic Cruchot. Enfin, Canal+ promet à ses abonnés un marathon du rire en avril via sa chaîne digitale éphémère Ciné+ De Funès. L’occasion de revoir des films comme Oscar ou Le grand restaurant et d’écouter des fans comme Alain Chabat partager leur passion. Programmation choisie pour adoucir le confinement ? Pas que, souligne la Cinémathèque française, où devait s’ouvrir une grande exposition consacrée à l’acteur début avril, avec des diffusions de films accompagnant l’événement sur le petit écran. N’empêche:
Dans l’esprit de programmateurs, revoir des Louis de Funès c’est un peu des Madeleines de Proust, souligne Jean-Christophe Mikhaïloff de la Cinémathèque. C’est clairement un antidépresseur !
Sa filmographie correspond à un âge d’or de l’histoire de France, les 30 Glorieuses (1945-1975). C’est un peu le synonyme d’une France bienheureuse, du plein emploi, où on avait foi dans le progrès (ses films sont d’ailleurs remplis de gadgets, comme la Citroën DS volante de Fantômas), développe le cinéphile. Ce succès inoxydable doit évidemment au jeu tout en grimaces et mimiques de celui qui fut, pendant les années 60-70, l’acteur numéro un du box-office, malgré le dédain d’une grande partie de la critique. S’il a aujourd’hui les honneurs de la Cinémathèque et depuis l’été dernier, un musée à son nom à Saint-Raphaël, dans le Var, il n’aura eu qu’un seul César (honorifique), en 1980, trois ans avant de décéder.
Funès, le « Charlie Chaplin » des Français
C’est un mime, c’est un peu notre Charlie Chaplin, estime Jean-Christophe Mikhaïloff. Vous coupez le son et il se passe quelque chose à l’écran. Ce qui fascine plutôt Bertrand Dicale, c’est le corps de l’acteur, lancé en permanence à pleine vitesse et qui danse souvent devant la caméra.
C’est un enfant dans un corps de papy, et ça les enfants le repèrent tout de suite. C’est l’un des leurs, abonde l’internaute caché derrière le compte JustLouisdeFunes.
Et de Ludovic Cruchot à Victor Pivert (comme l’oiseau!), de Funès incarne également un même personnage, simultanément irascible, couard, égoïste, obséquieux et même raciste, comme dans Rabbi Jacob. Un personnage universel, à rebours des théories sur son caractère franchouillard. Tout le monde a un Louis de Funès autour de soi ou se reconnait en lui, souligne Jean-Christophe Mikhaïloff. Et de rappeler son immense succès en dehors des frontières hexagonales, de l’Allemagne à l’ex-URSS en passant par l’Afrique francophone.