Un homme frappé par un AVC réapprend à vivre, un portrait atypique de l’écrivain Jim Harrison, l’histoire vraie d’un couple pris dans la tourmente de la guerre d’Algérie… Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection cinéma.
L’Ombre d’un mensonge, drame de Bouli Lanners (1h39) – Sur son bras, un tatouage reproduit la carte de l’Écosse. Pourquoi Philippe a-t-il atterri dans cette île perdue ? L’homme n’est pas exactement du genre bavard. Son travail consiste à aider des fermiers voisins. Les semaines sont rythmées par les messes du dimanche. Le pub local constitue le lieu de rendez-vous. Cela aurait pu continuer comme ça, sans histoires, si seulement un fichu AVC ne lui était pas soudain tombé dessus. À sa sortie de l’hôpital, le brave gars ne se souvient pas de grand-chose. Inspirée par une grande idée, la belle brune qui tient l’agence immobilière lui propose de l’aider. À l’entendre, ils ont eu une liaison. Ah bon ? Il n’en revient pas. Leurs solitudes se frottent comme deux silex. Cela produit du silence et de la douceur. Quel repos ! Cette pudeur.
Devant et derrière la caméra, Bouli Lanners peint avec une délicatesse rare la valse des sentiments, peint les couleurs de l’amitié, montre qu’un brin de chaleur est toujours le bienvenu, quel que soit le prix à payer. Ce cinquième film bluffe par son audace tranquille, séduit par son sens des paysages, touche par la sobriété de sa tristesse.
Seule la terre est éternelle, documentaire de François Busnel (1h52) – Un documentaire sur un écrivain est toujours un exercice périlleux. Après tout, l’écriture est une entreprise largement sédentaire. Même pour les marcheurs compulsifs dans mon genre, ce sont d’abord des heures et des heures solitaires et égoïstes passées devant un ordinateur ou une page blanche. Et les romanciers, reclus par nature, ne sont guère doués pour les interviews. Surtout quand il s’agit de parler de leur travail. Pour toutes ces raisons, Seule la terre est éternelle, le merveilleux film de François Busnel sur Jim Harrison (décédé en 2016), est remarquable. Non seulement il capture, avec chaleur et acuité, l’essence même de cet homme au visage profondément buriné, si atypique parmi les écrivains de son temps, mais c’est également une fabuleuse expérience cinématographique. Un véritable road-trip littéraire qui, tout en parlant à notre intellect, est aussi un régal pour les yeux.
De nos frères blessés, drame de Hélier Cisterne (1h35) – Le deuxième film d’Hélier Cisterne, conçu avec sa compagne Katell Quillévéré, retrace l’histoire vraie d’un couple pris dans la tourmente de la guerre d’Algérie. Lui est ouvrier communiste né à Alger. Elle est mère célibataire, immigrante polonaise. Entre Fernand (Vincent Lacoste, excellent, tout en maturité énergique) et Hélène (Vicky Krieps, bouleversante de charme et d’humanité) l’alchimie est évidente dès le premier regard. Mais Fernand considère bientôt que trop d’injustices frappent les Algériens. Après la mort d’un ami déserteur de l’armée française, il franchit le pas et accepte de poser une bombe dans un local désaffecté de son usine, afin de protester contre le régime colonial français. L’attentat ne fait pas de victimes mais l’homme sera dénoncé par son contremaître. La vie d’Hélène bascule dans l’horreur. La caméra d’Hélier Cisterne accompagne le drame avec pudeur et précision.