La loi sécurité globale comme une opération « reconquête » de la police ? Alors que le texte est vivement critiqué pour porter atteinte aux libertés fondamentales, il semble servir de garantie au pouvoir en place pour les coups durs à venir.
Au lendemain du vote à l’Assemblée nationale de la loi sécurité globale, la colère ne faiblit pas chez les opposants au texte. Une grogne qui s’est manifestée dans la rue récemment à travers plusieurs rassemblements, mais qui n’a pas connu la levée de boucliers espérée dans l’hémicycle avec seulement 104 « contre » et 66 abstentions. Certes, il s’agit là d’une faible opposition parlementaire, mais si une vraie rancœur naît dans la rue à travers les différents mouvements contestataires habitués à battre le pavé comme les Gilets jaunes, les syndicats et les autonomes d’extrême gauche, ce texte qui passera entre les mains des Sénateurs en janvier 2021 devrait être dégraissé de certaines substances.
Lors des manifestations de fin de semaine dernière, des violences ont pu être constatées et les forces de police ont fait usage de canons à eau. Une pratique assez rare en France, mais plus usuelle dans la culture sécuritaire de nos voisins germains. Des scènes qui pourraient devenir monnaie courante dans les prochains mois avec à la clé des explosions sociales inévitables, conséquence des confinements imbéciles et successifs ordonnés par le gouvernement, mettant à mal l’économie et le morale des Français. Avec la mise en suspens des réformes du chômage et surtout des retraites ajoutés aux colères toujours vives des Français, nombreux sont ceux qui se reconnaissent toujours dans le mouvement des Gilets jaunes. Et tout porte à croire qu’une fois la crise sanitaire passée, la crise sociale, elle, donnera lieu à des violences de rue significatives visant le pouvoir en place. La violence engendre la violence ?
Dans un tel contexte, comment ne pas voir dans la proposition de loi de la majorité une concession hypocrite à l’adresse des forces de police pour s’en attirer l’entière sympathie ? En effet, il y a encore peu de temps, les rapports entre la police et le gouvernement étaient singulièrement mauvais. Pas plus tard qu’au mois de juin 2019, le secrétaire général d’Unité SGP Police (FO), premier syndicat de la profession, estimait que les fonctionnaires avaient été lâchés par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner. En cause, les accusations de violences policières et de racisme que l’occupant de la Place Beauvau ne contestait pas. Bien au contraire, c’est un lynchage en règle qui faisait suite à une année éprouvante pour les policiers, avec en octobre de la même année une marche unitaire de policiers, la première depuis 20 ans, pour dénoncer leurs conditions de travail et les suicides dans leurs rangs. En décembre, c’est le texte de la réforme des retraites qui a heurté la profession. En mars 2020, la crise sanitaire a mis en lumière un nouvel épisode d’épuisement moral des agents, avec l’absence de masques et autres protections pour le personnel.
Gérald Darmanin qui singe, non sans difficulté, l’ancien président Nicolas Sarkozy tentant ainsi de se montrer d’apparence sévère avec les délinquants et solidaire avec les forces de police, présente une attitude qui ne manque pas d’agacer Christophe Castaner, l’actuel président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. Selon des proches du ministre de l’Intérieur, ce dernier aurait manœuvré au Parlement pour compliquer le passage du texte. En tout cas, vu d’en haut, au Palais de l’Elysée, cette loi illustre une nécessité pour le président Macron de s’assurer coûte que coûte du bon fonctionnement des forces de police. En effet, finir son mandat sans avoir la police sur le dos ne serait pas du luxe. De même, dans le cas d’un hypothétique second mandat, la fidélité de la police au pouvoir en place serait indispensable pour mener à bien les réformes non engagées lors du premier mandat. Et alors que tous les indicateurs de sécurité sont au rouge (chômage, précarité, terrorisme et indigénisme), difficile de se passer de la police en lui offrant des prérogatives élargies. Si Macron tente en quelque sorte de souscrire une assurance-vie pour l’avenir, les prochains mois risquent de lui donner tort.