Près de 1,2 milliard d’exemplaires sont vendus en France depuis ses débuts. Lancé par Henri Filipacchi en 1953, le Livre de Poche représentait encore près de la moitié des ventes de livres en 2022.

Le célèbre Livre de Poche a fêté ses 70 ans jeudi dernier. Imaginé par Henri Filipacchi, le secrétaire général de la librairie Hachette, son format est plus petit – la taille de la poche revolver d’un GI américain – et surtout il est moins cher. Grâce aux progrès technologiques de l’après-guerre permettant de réduire le coût de l’impression, on peut l’acquérir à l’époque pour deux francs. Le tout premier étant Koenigsmark, du romancier à succès de l’entre-deux-guerres Pierre Benoit. Une révolution qui a permis de démocratiser encore davantage la lecture, même si le livre de format réduit est né au XVIIe siècle.
Des débuts contestés, y compris par Sartre
Ce qui n’a pas changé, ce sont ses couvertures colorées, parfois dignes d’affiches de cinéma. À son apparition, le format attire l’œil dans les librairies, mais aussi dans des magasins plus populaires. Une démocratisation qui n’est alors pas du goût de tout le monde. En témoigne cet étudiant en médecine, interrogé en 1964.
Un avis partagé par certains écrivains, comme Jean-Paul Sartre, qui s’interroge : « Les Livres de Poche sont-ils de vrais livres ? » Au contraire, Marcel Pagnol leur prédit un grand avenir : « On vient de me dire que Rimbaud a tiré ainsi à 120 000 exemplaires, Verlaine aussi. C’est un moyen de culture presque aussi puissant que la radio ou la télévision ». Et Jean Giono y voit même le « plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne ». Le temps – et la grande majorité des Français – leur donnent raison. Même la prix Nobel de littérature Annie Ernaux raconte avoir développé sa vocation grâce à deux poches. Le Zéro et l’Infini, d’Arthur Koestler, et La Nausée, de Sartre, offerts par son oncle alors qu’elle était malade. Toutes les maisons d’édition se mettent à ce format : on voit naître des J’ai Lu, Presses Pocket, 10/18, Points Seuil et autres Folio…
Six poches dans le top 10 des ventes de livres en 2022
Aujourd’hui, le numéro 1 de la filiale reste le poche original, celui d’Hachette, qui rafle 60% du marché. Il y a 400 nouveautés par an et 70 éditeurs partenaires. L’an dernier, six Livres de Poche (parfois abrégé LDP) figuraient dans le Top 10 des ventes dans l’Hexagone. Parmi eux, deux Guillaume Musso. Consécration chez les auteurs, mais aussi assurance de succès commercial. Plus de 118 millions de Livre de Poche ont été vendus en France.
Et si l’on remonte dans le temps, Vipère au poing d’Hervé Bazin et Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier caracolent en tête avec plus de 5 millions de ventes, suivis du Journal d’Anne Frank ainsi que de Germinal de Zola, totalisant 4 millions de ventes.
Autre raison du succès : les publications suivent les tendances du moment. Quand sort la série Lupin sur Netflix, Hachette réédite par exemple le roman de Maurice Leblanc. Et pour ses 70 ans, Le Livre de Poche a aussi retrouvé une jeunesse sur TikTok grâce à La Mâchoire de Caïn. Sorte d’énigme conçue par un verbicruciste, ce puzzle littéraire publié en 1934 en anglais a été mis en avant fin 2021 par la jeune Américaine Sarah Scannell. Avec un tel succès qu’il sert de titre phare pour l’anniversaire de la collection. Le livre à la petite pastille rouge est maintenant dans les mains des influenceurs. Plus populaire que jamais.